Le président du Mozambique, Filipe Jacinto Nyusi aux Nations unies, à New York, le 21 septembre 2016. | © Eduardo Munoz / Reuters / REUTERS

Les armes ont une nouvelle fois parlé à Maputo. Samedi 8 octobre, le corps criblé de balles de Jeremias Pondeca, un membre haut placé du principal parti d’opposition, la Renamo, a été retrouvé sur la route de bord de mer de la capitale mozambicaine. La piste crapuleuse n’a même pas été évoquée : cet ancien député était l’un des négociateurs du parti aux pourparlers de paix, qui devaient reprendre ce lundi dans la capitale.

« Cet assassinat est une tentative délibérée de faire dérailler les négociations », commente un diplomate européen. Organisées depuis mai, celles-ci ambitionnent de mettre fin au conflit larvé qui oppose, dans le centre du pays, les troupes gouvernementales à la branche armée de la Renamo. Au vu des circonstances, l’italien Mario Raffaelli, le coordinateur des médiateurs internationaux, a rencontré lundi chacune des parties, puis repoussé la reprise des échanges au 17 octobre.

Condamnant un « acte barbare visant à forcer la Renamo à abandonner le dialogue », le parti n’a pas mordu à l’hameçon. « Le président [de la Renamo] a donné des ordres clairs pour que nous continuions. Certains d’entre nous iront à l’enterrement, et d’autres retourneront à la table des négociations », confie Antonio Muchanga, le porte-parole de l’ancienne rébellion de la guerre civile mozambicaine (1976-1992).

« Le leader de la Renamo, qui tient son parti d’une main de fer, est un modéré, il veut absolument être vu comme l’artisan de la démocratie », explique l’historien Michel Cahen, de passage au Mozambique, et fin connaisseur de ce parti. « Ils auraient la possibilité de recruter en masse parmi la jeunesse urbaine pauvre et désœuvrée pour développer une guérilla plus massive. Or ils ne le font pas ».

Neuf meurtres politiques

Les assassinats de ce type se sont banalisés au Mozambique. L’organisation Human Rights Watch a recensé au moins neuf autres meurtres « politiquement motivés » et jamais élucidés depuis mars 2015. La série débute par l’homicide de Gilles Cistac, un constitutionnaliste français qui avait apporté des arguments juridiques au débat sur la décentralisation. La Renamo, qui conteste le résultat des élections présidentielle et législatives d’octobre 2014, réclame en effet le pouvoir dans six des 11 provinces qu’elle estime avoir remporté.

Jusque-là, les pourparlers semblaient pencher en sa faveur. Mi-août, le gouvernement a accepté le principe de l’élection des gouverneurs provinciaux, et la nomination de gouverneurs transitoires dans certaines provinces revendiquées par la Renamo, d’ici à novembre prochain. Depuis, une sous-commission chargée de préparer la modification constitutionnelle et le paquet législatif nécessaire y travaille. Jeremias Pondeca en faisait partie.

Cet assassinat est-il un rappel ordre, visant à saborder les efforts du gouvernement, et l’empêcher de trop reculer face à l’opposition ? Comme pour le meurtre de Gilles Cistac, les soupçons pèsent sur l’aile dure du Frelimo, le parti au pouvoir depuis l’indépendance, en 1975. Opposés au dialogue, certains faucons seraient partisans d’une solution radicale, d’élimination physique de l’opposition. Le leader de la Renamo est ainsi retranché depuis un an dans les montagnes du Gorongosa (centre). Les troupes du gouvernement veulent, selon lui, sa mort.

Dépenses folles en armement

Alors que les dissensions au sein du Frelimo se font toujours plus vives, certains membres, dont l’entourage de l’ancien président Armando Guebuza, auraient tout à perdre d’une résolution trop rapide du conflit. “Ils devront alors s’expliquer sur les dépenses folles en armement qui ont été engagées”, explique l’activiste Erik Charas, fondateur du quotidien gratuit A Verdade. Pour lui, la question de la paix est intrinsèquement liée au scandale de la dette cachée. Ces deux milliards d’emprunts contractés par des entreprises publiques sous la précédente administration, qui ont choqué les milieux financiers internationaux.

Le scandale, révélé en avril dernier, a provoqué la fureur des bailleurs de fonds, qui ont suspendu leurs aides. Depuis le pays est plongé dans une crise monétaire sans précédent. Acculé, le président Filipe Nyusi a fini par accepter mi-septembre un audit indépendant des comptes. Le Fonds monétaire international (FMI) le réclamait avec fermeté.

« Qu’a t-il négocié avec le FMI ? La tête de l’ancien président, ou autre chose ? » se demande Michel Cahen, qui est sceptique sur les chances qu’ont les pourparlers d’aboutir. De source diplomatique, le FMI pourrait reprendre les discussions sur d’éventuels prêts courant 2017, avant même que les résultats de l’audit ne soient rendus publics. De quoi desserrer la pression sur l’économie mozambicaine. D’ici là, le groupe italien ENI aura lancé son méga projet gazier dans le nord du pays, annoncé pour la fin de l’année. Avec les retombées, le gouvernement se sentira encore moins contraint de céder aux exigences de la Renamo.