L’armée française est mobilisée pour des missions de sécurité comme lors du pélerinage de Lourdes le 15 août 2016. | PASCAL PAVANI / AFP

Jusqu’ici considérées comme un sujet secondaire, les réserves opérationnelles de l’armée, de la police et de la gendarmerie espèrent connaître leur heure de gloire sous un nouveau label – la garde nationale –, dont la création doit être annoncée mercredi 12 octobre lors du conseil des ministres.

François Hollande, pour qui « la France est en guerre » depuis les attaques terroristes, en avait parlé la première fois au lendemain de l’attentat du 13 novembre 2015, appelant à ce que les réservistes « constituent les éléments qui [puissent], demain, former une garde nationale encadrée et disponible ». Les contours de ce dispositif voulu par le président se dessinent désormais un peu plus.

Dans les faits, rien ne change ou presque sur le mode de fonctionnement. La garde nationale n’est pas une entité autonome, elle s’adosse aux réserves opérationnelles existantes – « par pragmatisme », dit-on à l’Elysée. Comme c’est le cas aujourd’hui avec ces dernières, elle dépendra donc du ministère de la défense, qui chapeaute les réservistes des armées, et du ministère de l’intérieur, chargé des réserves de la police et de la gendarmerie nationales.

Seule nouveauté formelle, un secrétariat général sera créé pour « développer la garde nationale ». Il sera confié au général Gaëtan Poncelin de Raucourt.

Un portail Internet est également créé – accessible dès mercredi sur www.garde-nationale.fr – pour « informer, présenter et inciter à l’engagement », témoignages de réservistes à l’appui.

Passer de 63 000 à 85 000 réservistes en 2018

L’objectif de la garde nationale est double, souligne l’entourage du président : « Répondre au besoin de protection du pays » en soulageant les militaires, policiers et gendarmes déployés sur le terrain, très sollicités, mais aussi satisfaire le « désir d’engagement des Français de servir la nation ».

L’appel de François Hollande à rejoindre les réserves opérationnelles à la suite des attentats semble avoir été entendu. Depuis novembre 2015, les centres de recrutement croulent sous les demandes, selon plusieurs sources ministérielles. « Les sollicitations ont été multipliées par quatre », nous assure-t-on.

Les réserves opérationnelles représentent aujourd’hui un vivier de 63 000 personnes (de 17 à 35 ans), dont 5 500 sont déployées chaque jour depuis cet été. Les effectifs doivent monter en puissance pour atteindre 72 000 personnes en 2017, puis 85 000 en 2018. A cette date, la gendarmerie, la police et l’armée devraient pouvoir mobiliser chaque jour 9 250 réservistes à l’entraînement, en opération ou en renfort de la sécurité quotidienne des Français.

Le budget sera revu à la hausse en conséquence. Il devrait atteindre 311 millions d’euros en 2017, soit 100 millions de plus que celui qui était prévu pour les réserves opérationnelles dans le projet de loi de finances.

Le permis de conduire financé pour attirer les jeunes

Pour assurer ces objectifs et attirer en masse des volontaires, en particulier des jeunes, l’Etat mise sur cinq mesures, tirées des recommandations d’un rapport parlementaire remis en juillet sur la garde nationale.

Les deux premières visent les moins de 25 ans : le permis de conduire sera financé à hauteur de 1 000 euros si le jeune réserviste le passe pendant son contrat. Une allocation mensuelle de 100 euros lui sera également versée s’il est étudiant et s’il s’engage « pour une durée de cinq ans », avec trente-sept jours par an sur le terrain (la moyenne est de vingt-huit jours).

Une fois les réservistes recrutés, encore faut-il les fidéliser. Une prime de 250 euros leur sera versée s’ils renouvellent leur contrat initial d’engagement pour une durée de trois à cinq ans. Ils pourront aussi valoriser leurs compétences acquises pendant leur contrat dans la garde nationale grâce à des « passerelles institutionnelles vers les métiers de la sécurité privée ».

La dernière mesure cible les entreprises pour faciliter l’engagement de salariés, souvent difficile, grâce à une réduction d’impôt. Coût total de ces mesures, réduction fiscale mise à part : 12 millions d’euros.

Malgré son lancement officiel, la garde nationale laisse de nombreuses questions en suspens. Notamment la gestion des ressources humaines des réservistes de l’armée, défaillante, et qui vaut à de nombreux volontaires engagés de n’avoir jamais été appelés alors qu’ils sont encore sous contrat. Sur ce point, une source ministérielle précise qu’« une mission a été lancée pour refondre le système, qui pose effectivement problème ». Sur d’autres points d’achoppement, elle met en avant « l’harmonisation » à venir, sans plus de détails. Mais avec le souhait « qu’enfin, en France, la réserve décolle ».