Conrad et Paul : Une station spatiale nommée Désir, Ralph König, Glénat, 152 pages, 25 €

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Avec Ralph König, même si on est hétéro, on plonge dans un univers où tout nous échappe, l’intrigue qui part en vrille, les personnages auxquels on ne peut pas s’identifier jusqu’au bout, les gags qui laissent une vague culpabilité, celle d’avoir rit de telles tragédies. Car avant tout, König est un tragique, il malaxe le pathétique comme d’autres la vulgarité ou la démagogie, il en fait une pâte gluante où il nous scotche comme des mouches sur un ruban adhésif. Impossible, ni de s’en défaire, ni d’y plonger vraiment. Il nous laisse ainsi au bord de son œuvre, un pied dedans un pied dehors, dans une lecture boiteuse qui énerve au plus haut point.

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Mais nous sommes happés, c’est clair, dans ses intrigues impensables, d’homos écrasés par maman, dégoûtés par l’hétérosexualité et perdus dans leur propre monde où rien n’est stable. Alors ses Conrad et Paul, une fois de plus, tiennent bon dans leur couple tout en se laissant emporter dans leurs aventures, souvent misérables et toujours éphémères, harcelés par leurs fantasmes irréalisables. Ici, Paul est confronté soudain à la présence obsédante de son beauf’polonais, macho, baraqué et poilu, véritable bombe sexuelle hétéro, devant lequel il ne peut que craquer à mort.

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Entre sa sœur en cloque, sa mère hystérique, son compagnon pas dupe et ce perturbateur physiquement insolent, le quotidien en prend un coup. Cette aventure est entrecoupée de scènes du prochain roman, de SF, que Paul essaie d’écrire. Seul König arrive à faire tenir tout cela comme un soufflé qu’il faut lire vite avant qu’il ne retombe. Cela tient du miracle, entre épouvante et dérision ; c’est ce qu’on pourrait appeler l’humour rose, sans référence politique.