Jean-Jacques Urvoas, à Paris, le 16 septembre. | AGNES DHERBEYS / MYOP POUR LE MONDE

C’était un projet de loi fourre-tout dont la présentation, il y a un peu plus d’un an par Christiane Taubira, alors ministre de la justice, avait déçu. Les mesures proposées pour simplifier la justice, voire déjudiciariser certains contentieux, paraissaient bien modestes au regard de l’ambition portée par l’intitulé du projet de loi « pour la modernisation de la justice du XXIe siècle ». Le texte adopté définitivement mercredi 12 octobre par l’Assemblée nationale est finalement beaucoup plus riche.

  • Suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs

Jean-Jacques Urvoas, nommé garde des Sceaux en janvier, est, par exemple, parvenu à faire passer une mesure qui, si elle avait été présentée au Parlement par Mme Taubira aurait déclenché des tempêtes, tant l’hostilité à son égard avait pris une ampleur irrationnelle : la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, instaurés par Nicolas Sarkozy.

Ils avaient été créés en 2011 avec l’idée que les juges pour enfants étaient mal placés pour décider de sanctions pénales à l’encontre de mineurs qu’ils suivent déjà dans le cadre de mesures éducatives. La réalité a montré que seul 1 % des cas sont passés devant ces tribunaux qui, au final, se sont montrés moins répressifs que les juges pour enfants.

  • Forfaitisation de certains délits routiers

La conduite sans permis ou sans assurance sera désormais automatiquement sanctionnée par une peine d’amende de 800 euros. Une sanction plus rapide et plus sévère que les amendes moyennes aujourd’hui prononcées par les délégués des procureurs. Seuls les cas de récidive mobiliseront la chaîne judiciaire classique. La verbalisation pour défaut de port de ceinture ou de casque pourra désormais se faire au moyen d’un contrôle vidéo automatisé. Un système antidémarrage avec éthylotest pourra être imposé aux personnes faisant l’objet d’un suivi judiciaire.

  • Le divorce sans juge

Pour désengorger les tribunaux, le divorce par consentement mutuel ne se passera plus devant le juge des affaires familiales. Cela représente 54 % des 123 000 divorces qui ont été prononcés en 2014. Désormais, chaque époux devra être représenté par son propre avocat, ce qui risque de surenchérir le coût de la procédure, mais permettra de raccourcir les délais. La convention de séparation sera enregistrée chez le notaire. S’il y a des enfants mineurs, ils pourront, comme aujourd’hui, demander à être entendus par un juge.

  • L’enregistrement des pacs en mairie

Là encore, il s’agit d’alléger la charge des tribunaux auprès desquels devaient être enregistrés les quelque 170 000 pactes civils de solidarité (pacs) conclus chaque année. Une procédure qui avait été choisie lors de son instauration pour éviter toute confusion avec le mariage. Désormais entrés dans les mœurs, les pacs seront enregistrés par les officiers d’état civil en mairie.

  • Changement de prénom et de sexe à l’état civil plus rapide

Changer de prénom ne nécessitera plus de passer devant le juge des affaires familiales. L’officier d’état civil en mairie l’enregistrera, et pourra saisir le parquet en cas de difficulté. 2 700 demandes de changement de prénom sont déposées chaque année.

Les personnes qui sollicitent devant un tribunal le changement du sexe de leur état civil n’auront plus à passer par des vérifications médicales sur d’éventuelles interventions chirurgicales « irréversibles ».

  • Les plans de surendettement sans juge

L’homologation par le juge des quelque 90 000 plans de surendettement établis par les commissions ad hoc est purement et simplement supprimé. 98 % d’entre eux étaient validés. Les parties (créanciers ou débiteurs) pourront néanmoins toujours saisir la justice.

  • Abandon de la collégialité de l’instruction

La collégialité de l’instruction avait été votée en 2007 après le fiasco de l’affaire d’Outreau. Plusieurs fois repoussée faute d’un nombre suffisant de juges d’instruction, cette collégialité est abandonnée.

  • Un statut pour le juge des libertés

Le juge des libertés et de la détention est un magistrat dont le rôle est croissant dans toutes les procédures. Il décide de la détention préventive, des prolongations de garde à vue, des perquisitions de nuit, des écoutes téléphoniques, de l’internement psychiatrique, etc. Ce juge aura désormais un statut qui le rend inamovible comme le juge d’instruction ou le juge des enfants.

  • Regroupement du contentieux social

Les tribunaux des affaires de la sécurité sociale et les tribunaux du contentieux de l’incapacité seront fusionnés dans un pôle social des tribunaux de grande instance.

  • Un socle commun pour l’action de groupe

Les règles de procédures pour des actions de groupe sont désormais unifiées dans cinq domaines : la santé, les discriminations en général, les discriminations au travail, l’environnement et les données personnelles numériques.