Philippe Richert, président de l’Association des régions de France, et Manuel Valls, premier ministre, en février 2016. | STEPHANE DE SAKUTIN/AFP

Rendez-vous raté entre le premier ministre, Manuel Valls, et le président de l’Association des régions de France (ARF), Philippe Richert. Ils étaient convenus de se revoir au début du mois de septembre, mais, « pour des raisons d’agenda », la date n’a pas encore pu être calée. Le temps, cependant, est compté. Le congrès des régions se tiendra le 29 septembre, à Reims, et M. Valls a prévu de s’y exprimer. Or, il demeure un gros point de contentieux entre le gouvernement et les régions, que M. Richert n’a pas esquivé lors de sa conférence de presse de rentrée, mardi 6 septembre.

« Monsieur le premier ministre, vous nous donnez des compétences nouvelles, il faut que nous puissions les assumer », a déclaré le président (LR) de l’ARF. Tandis que le président délégué, François Bonneau (PS), estimait que l’absence de compensation des nouvelles compétences économiques allait « mettre en cale sèche les TPE » si les régions devaient revoir leurs aides à la baisse. « A chaque fois qu’il y a eu des transferts de charges, il y a eu transferts de ressources, a rappelé le président de la région Centre-Val de Loire. Il n’est pas envisageable que cela ne soit pas le cas. »

L’idée de lever une nouvelle taxe rejetée

Pour les régions, il reste donc toujours 600 millions d’euros à trouver. Depuis la loi NOTRe du 8 août 2015, les régions ont récupéré la compétence unique du développement économique, intégrant ainsi une partie des opérations auparavant réalisées par les départements. Mais les départements ont conservé les crédits (1,6 milliard) qu’ils consacraient à ces interventions.

Pour faire face à leurs obligations nouvelles, les régions demandaient au gouvernement 800 millions d’euros de compensation. Fin juin, lors de la rencontre à Matignon pour l’élaboration de la plate-forme Etat-régions, le premier ministre a consenti 600 millions. Cependant, alors que l’ARF souhaitait que les régions puissent disposer de ressources fiscales existantes, M. Valls a proposé la généralisation d’une taxe spéciale d’équipement régionale (TSER) sur le modèle de celle qui a été instituée en Ile-de-France, assise sur la taxe foncière des propriétés bâties et sur la cotisation foncière des entreprises.

Faute de grives, le président de l’ARF a accepté de se contenter des merles TSER, s’attirant en retour les foudres du Medef et le courroux de ses adhérents, peu désireux de lever une nouvelle taxe. A tel point que, le 29 juillet, M. Richert se voyait contraint d’écrire au premier ministre pour lui signifier que cette proposition, dont il s’était pourtant félicité un mois plus tôt, ne pouvait recevoir l’aval des régions (Le Monde du 6 août). Dans ces conditions, « [l’ARF] préfèr[e] donc rouvrir la négociation avec le gouvernement pour trouver une autre recette de 600 millions », indiquait-il.

C’est ce rendez-vous qui n’a pas pu encore se tenir. Mais l’« urgence », pour les régions, demeure. Demeurent aussi, au sein même de l’ARF, des divergences d’appréciation. Dans un courrier adressé début août à M. Richert, plusieurs présidents de région, Valérie Pécresse (LR, Ile-de-France), Christian Estrosi (LR, PACA), Hervé Morin (UDI, Normandie) et Didier Robert (LR, La Réunion)prônaient une solution « simple, transparente et respectueuse de [leurs] engagements politiques ». En l’occurrence, ils demandaient l’annulation de la baisse de dotation globale de fonctionnement en 2017 pour 450 millions d’euros et une dotation complémentaire de 150 millions d’euros pour atteindre le montant prévu.

Une part de la taxe carbone

Ce n’est pas l’option privilégiée par M.Richert. « L’annulation de la baisse des dotations, c’est one shot, donc ça n’a aucun intérêt », souligne son entourage. Le président de l’ARF insiste pour que les régions puissent disposer de ressources « pérennes et dynamiques ». « On a besoin d’un levier qui nous redonne un peu de marge », insiste le président de la région Grand Est, rappelant que les régions sont les collectivités territoriales « les plus fragiles ». Si elles représentent 13 % du budget des collectivités territoriales et 20 % des investissements, elles ne pèsent que 6 % des impôts locaux.

Le président de l’ARF entend donc plaider pour que l’Etat consente aux régions une part de la taxe carbone, combinée à une partie de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Cela offrirait à ses yeux la garantie de recettes dynamiques et préserve l’autonomie des régions. « La loi nous a donné des obligations plus importantes, nous devons avoir les moyens correspondants », martèle M. Richert. Il faudra bien, avant le congrès du 29 septembre, trouver une date pour caler le rendez-vous avec le premier ministre.