L’ancien président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva le 4 octobre 2016 à Rio de Janeiro. | YASUYOSHI CHIBA / AFP

Le juge fédéral Vallisney de Souza Oliveira a décidé, jeudi 13 octobre, d’inculper l’ancien président Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010), soupçonné de « blanchiment d’argent », « trafic d’influence », « corruption passive » et « appartenance à une organisation criminelle », dans des opérations en Angola. Il s’agit de la troisième inculpation de l’ancien syndicaliste, déjà mis en cause dans l’opération « Lava Jato » (Lavage express), cette enquête sur le réseau de corruption tentaculaire lié au groupe pétrolier public Petrobras, pour « obstruction à la justice » et « corruption ».

Comme pour faire mentir les soutiens de l’ex-président, criant à une cabale judiciaire visant à démolir la principale figure du Parti des travailleurs (PT, gauche), le juge Sergio Moro a, le même jour, ouvert une procédure à l’encontre de l’ancien président de la Chambre des députés, Eduardo Cunha, membre du Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB, centre), auquel appartient le président Michel Temer.

« Diplomatie économique »

M. Cunha, évangélique ultraconservateur et maître de l’intrigue politique, donna le coup d’envoi à la destitution de la présidente Dilma Rousseff (PT), la successeure de Lula. Son inculpation par le juge Moro a été rendue possible par la cassation de son mandat parlementaire en septembre, presque un an après les accusations accablantes liées à la découverte d’un compte millionnaire en Suisse. Ainsi, un ancien président auréolé pour avoir sorti de la misère des dizaines de millions de Brésiliens, Lula, se retrouve mis en cause en même temps que l’un des hommes politiques les plus détestés du pays.

L’ancien chef de l’Etat est suspecté d’avoir, de 2008 à 2015, soit pendant et après son mandat, favorisé le groupe Odebrecht, numéro un du bâtiment et des travaux publics, pour l’obtention de contrats en Angola. L’ancien président aurait, pour cela, utilisé les crédits octroyés par la Banque nationale de développement économique et social (BNDES). Une « diplomatie économique » rémunérée, selon le parquet, qui suspecte Lula d’avoir bénéficié, après la fin de son mandat, de plusieurs centaines de milliers de reais versées pour des conférences qu’il n’aurait jamais effectuées.

Divers avantages auraient aussi été octroyés à Lula et à ses proches par le biais de la société de son neveu, Exergia Brasil, sous-traitante d’Odebrecht dans ces contrats angolais. L’entreprise aurait reçu, selon les documents du parquet, quelque 20 millions de reais (5,7 millions d’euros), pour ses services rendus à Odebrecht, en dépit de son absence d’expérience dans le domaine de l’ingénierie. Marcelo Odebrecht, le PDG du groupe éponyme, déjà condamné à plus de dix-neuf ans de prison, et le neveu de Lula, Taiguara Rodrigues, sont également inculpés dans ce dossier.

Boîte de Pandore

Des accusations « absurdes » et « sans preuves », destinées à s’en prendre à un homme érigé en « ennemi politique », dénonce Cristiano Zanin Martins, avocat de Lula. En cas de condamnation en deuxième instance, l’affaire pourrait mettre un terme à la carrière de l’ancien chef d’Etat, le rendant inéligible pour l’élection présidentielle de 2018.

Reste qu’en s’attaquant à la BNDES les juges ont ouvert une boîte de Pandore. La banque fait l’objet de critiques répétées du milieu des affaires, interrogeant le rôle géopolitique joué par ce bras financier de l’Etat depuis l’arrivée du PT au pouvoir. En février, l’hebdomadaire Epoca consacrait plusieurs pages au supposé « trafic d’influence » de Lula pour la vente de projets d’infrastructures au Venezuela réalisés par Odebrecht avec l’aide de la BNDES. Au Venezuela, comme à Cuba, le groupe a obtenu des marchés juteux sans appel d’offres.

En Angola, économie bouillonnante portée par la manne pétrolière et gouvernée depuis 1979 par José Eduardo dos Santos, le rôle de la BNDES a suscité la polémique. Odebrecht, présent dans le pays depuis trente ans, à l’aise avec le régime corrompu, est l’un des principaux employeurs du pays. « L’arrivée du PT a pu faire prendre à la corruption une dimension politique », pense un fin connaisseur de l’Angola.

Mardi, la BNDES, qui a prétendu, sous la présidence Dilma Rousseff, garder le secret sur ses opérations à l’étranger, a annoncé la révision des procédures et la suspension des crédits offerts aux entreprises mouillées dans l’enquête anticorruption.