Le milliardaire japonais Masayoshi Son le 28 juillet à Tokyo. | KAZUHIRO NOGI / AFP

Enfin une bonne nouvelle pour Theresa May, la première ministre britannique, qui se fait beaucoup d’ennemis dans les milieux d’affaires avec ses emportements protectionnistes. Le milliardaire japonais Masayoshi Son va implanter à Londres le siège de sa nouvelle aventure, la plus ambitieuse de sa carrière mouvementée. Le Softbank Vision Fund sera ni plus ni moins le plus grand fonds d’investissement de capital-risque du monde. Et de très loin. Avec ses 100 milliards de dollars (environ 90 milliards d’euros), il représentera à lui seul 80 % de la totalité des sommes levées sur la planète dans ce domaine en 2015.

Tirelire saoudienne

La société n’en est pas à son coup d’essai puisque l’opérateur télécoms, actif au Japon et aux Etats-Unis, va dépenser 32 milliards de dollars pour mettre la main sur l’électronicien ARM, la plus belle entreprise high-tech du Royaume-Uni. Pour réunir autant d’argent, le Japonais, passé maître dans l’art de la haute finance, est allé puiser dans les poches les plus profondes du monde, celles de l’Arabie saoudite. Le fonds souverain public s’engage à apporter 45 milliards de dollars. Une paille pour un portefeuille déjà bien épais et qui devrait gonfler bientôt à plus de 2 000 milliards de dollars, l’équivalent du PIB de la France, lorsqu’une partie de la société pétrolière d’Etat Aramco sera mise en Bourse. Piloté par le prince héritier Mohammed Ben Salman, le nouvel et jeune homme fort de Riyad, la tirelire saoudienne entend se diversifier à marche forcée vers la technologie pour préparer l’après-pétrole. Il vient d’investir 3,5 milliards de dollars dans Uber.

A 60 ans, l’honorable M. Son, qui pensait prendre sa retraite l’an dernier, entame une nouvelle carrière. Fils d’émigrés coréens établis comme pêcheurs au Japon, il a démarré dans la vie à une époque où l’on jetait des pierres aux étrangers sur l’île de Kyushu. Parti en Californie étudier au lycée, il a bâti sa fortune dans l’informatique, l’électronique et les jeux vidéo. Il a perdu 70 milliards de dollars dans l’éclatement de la bulle Internet, avant de reconstituer son trésor de guerre dans l’accès Internet au Japon puis en acquérant Sprint, le troisième opérateur téléphonique américain. Entre-temps, cet investisseur avisé, qui n’a peur ni des risques ni des dettes, s’est invité au capital d’une toute jeune entreprise chinoise de commerce en ligne, Alibaba. L’extraordinaire croissance de cette dernière fera sa fortune. En 2014, il désigne son successeur, qu’il débauche à prix d’or chez Google, avant de se raviser deux ans plus tard.

Le dernier pari de M. Son est le plus audacieux. Face à un monde qui se referme, il entend jeter toutes ses forces pour accompagner la révolution numérique. En dépit du soutien saoudien, ce n’est pas gagné. Softbank flirte avec les 100 milliards de dettes et l’afflux d’argent dans un secteur déjà bien pourvu provoquera une inflation dangereuse des valeurs technologiques. Mais c’est une bonne nouvelle pour ceux qui croient encore en l’avenir.