Les candidats de la primaire de la droite, lors du débat sur TF jeudi 13 octobre. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE

Editorial du « Monde ». Ceux qui espéraient une foire d’empoigne auront été déçus. Même si les rancœurs entre frères ennemis ont affleuré, le premier débat de la primaire de la droite et du centre s’est déroulé dignement, pendant plus de deux heures, jeudi 13 octobre. La formule – une minute pour répondre à chaque question — a certes rendu cette confrontation un brin ennuyeuse, voire scolaire, le nombre des candidats laissant peu de temps pour approfondir les sujets : chacun des sept prétendants n’a parlé que quinze minutes. Mais toutes les questions, même désagréables, ont été posées et les échanges ont été sérieux. C’est louable, à l’heure où la politique s’entiche d’émissions pseudo-intimistes.

De ce premier débat, qui a attiré 5,6 millions de téléspectateurs, on peut tirer quelques enseignements. D’abord, la primaire ouverte de la droite est sur les rails. Comme les socialistes en 2011, et sauf accident majeur, elle parviendra à sélectionner son candidat, à l’issue des scrutins du 20 et du 27 novembre. Les sept candidats ont rappelé solennellement qu’ils s’engageaient à soutenir le vainqueur de cette consultation interne, ce qui semble exclure des déchirements dont François Hollande et la gauche pourraient profiter.

Ensuite, cette primaire permettra de sélectionner le candidat… de droite. Les électeurs de gauche tentés de participer au scrutin savent à quoi s’en tenir : tous les prétendants sont issus de l’ancien RPR, à l’exception du chrétien-démocrate Jean-Frédéric Poisson. Tous ont exposé, à divers degrés, un programme dans la lignée de celui de Jacques Chirac en 1986 quand la planète ne jurait que par Reagan et Thatcher: moins d’impôts, moins d’Etat.

Deux droites sur les sujets régaliens

Le ton policé des débats ne doit toutefois pas occulter les différences profondes qui opposent les prétendants. Derrière l’avalanche de chiffres qui a pu noyer les téléspectateurs, deux écoles économiques subsistent : d’un côté, les partisans d’une école allemande, une politique de l’offre visant à rendre le travail plus compétitif – Alain Juppé, Jean-François Copé, François Fillon proposent une hausse de la TVA pour baisser les cotisations sociales ; de l’autre, l’école keynésienne plus traditionnelle, qui souhaite une relance par la consommation, tel Nicolas Sarkozy. L’ancien héraut du « travailler plus pour gagner plus » veut baisser les impôts, se refuse d’être « le Martine Aubry de la droite, l’obsédé de la suppression des 35 heures » et s’engage mollement sur la réduction des déficits. Le choc libéral sera très différent, selon qu’un Fillon ou un Sarkozy serait choisi.

Il existe aussi deux droites sur les sujets régaliens. L’exercice proposé aux candidats par ce débat télévisé n’était pas propice aux surenchères sur l’identité et l’islam. Il n’empêche, la droite est coupée en deux. D’une côté, les plus droitiers, tels Jean-François Copé, qui prône un « tournant sécuritaire total », et Nicolas Sarkozy, qui exige « l’internement préventif » des fichiers « S » ; de l’autre, Alain Juppé, chantre de l’identité heureuse, qui n’en veut pas, et François Fillon, qui juge l’arsenal judiciaire parfaitement suffisant.

Les électeurs ont donc le choix entre deux droites, nettement typées et incarnées par les deux favoris des sondages, Nicolas Sarkozy et Alain Juppé. Restera, au bout du compte, à réconcilier ces deux philosophies, ces deux sensibilités et leurs partisans. Ce ne sera pas le moindre défi de celui qui l’emportera.