Un peu plus d’un mois après les ravages causés par de puissants cyclones dans le nord-est de la République populaire démocratique de Corée (RPDC), des convois militaires et civils continuent à se diriger des quatre coins du pays vers les régions sinistrées du Hamgyong du Nord. Une autre épreuve attend en effet les victimes : l’arrivée de l’hiver, rigoureux dans ces contrées où les premières neiges arrivent fin octobre. Le régime a entrepris une course contre la montre pour construire 20 000 logements avant que la température tombe en dessous de zéro.

La Croix-Rouge internationale et l’Unicef ont lancé des appels d’urgence pour apporter une assistance humanitaire aux 600 000 personnes affectées par la catastrophe dont 70 000 sont sans-abri, parmi lesquelles des milliers d’enfants. L’urgence est multiforme : « Les victimes manquent de tout : eau potable, nourriture, médicaments et toit pour s’abriter », rappelle l’Unicef dans un communiqué mettant en garde contre le « second désastre » qui se profile.

La télévision repasse en boucle des images de milliers de soldats (sur les 25 000 déployés) et de civils, armés de pelles et de pioches, en train de déblayer les décombres, de transporter des seaux de boue, de remettre en état des tronçons de voie ferrée. Flottent au vent des bannières rouges, tandis que des micros juchés sur des camions font retentir des chants patriotiques. L’ardeur révolutionnaire est appelée à pallier la carence en équipements. Afin de concentrer les efforts sur les régions sinistrées, le régime a suspendu la campagne de mobilisation de « 200 jours », actuellement en cours, destinée à la réalisation de grands projets, dont une nouvelle avenue à Pyongyang.

Le « plus grave cataclysme » depuis un demi-siècle

Décrit comme le « plus grave cataclysme » depuis un demi-siècle par les médias nord-coréens, les cyclones ont provoqué des inondations qui ont tout emporté sur leur passage. En sortant de son lit, le fleuve Tumen qui délimite la partie orientale de la frontière de 1 400 km entre la Chine et la RPDC a entraîné la mort de 140 personnes (près de 400 autres sont portées disparues) et détruit 70 000 maisons. Les villes de Hoeryong, Musan, Yonsa, Onsong, Kyongwon, Kyonghung ont été touchés. La voie ferrée qui suit le fleuve est partiellement détruite.

Le Hamgyong du Nord est la région la plus pauvre de la RPDC. Peu peuplée, d’accès difficile, surnommée la « Sibérie coréenne », elle est riche en ressources minières mais, en raison de son relief montagneux et des rigueurs de l’hiver, elle ne produit pas assez de céréales pour nourrir sa population qui a déjà été durement affectée par la dramatique famine de la seconde partie des années 1990. C’est la région qui connut alors le plus fort exode de populations en Chine. La majorité des 30 000 réfugiés nord-coréens qui ont gagné le Sud au cours des vingt dernières années en provient.

Région frontalière sensible, séparée de la Chine par un fleuve au cours généralement lent et au tirant d’eau faible, la population du Hamgyong du Nord entretient des contacts fréquents, autorisés ou clandestins, avec les habitants de l’autre rive du Tumen, dont une bonne partie sont des Sino-Coréens. L’armée mobilisée pour les secours et la reconstruction a aussi pour tâche d’encadrer une population qui ne cache son mécontentement de la lenteur des secours à se mettre en place, a constaté sur place le représentant d’une organisation humanitaire internationale.

Pays donateurs récalcitrants

Sur deux rives du Tumen, le paysage est similaire : terre aride, champs de tabac et soja. Du côté coréen, des rives broussailleuses et caillouteuses font rapidement place à de petites montagnes aux forêts décimées par la quête du bois de chauffage et les cultures en hauteur du temps de la famine. Un déboisement qui favorise les éboulements de terrain en cas de fortes intempéries. Les rives du Tumen du côté nord-coréen, où certains villages sont construits dans le lit du fleuve, ont été plus affectées par les cyclones que du côté chinois.

Les organisations onusiennes ont demandé une aide d’un montant de 28 millions de dollars (25,5 millions d’euros) dont une partie devrait financer la fourniture de tôle ondulée pour couvrir les maisons reconstruites. Mais les pays donateurs sont récalcitrants : la RPDC est l’objet de sanctions internationales, à la suite de ses essais nucléaires et balistiques. Certains font valoir que si le régime peut financer un programme nucléaire, il n’a pas besoin de l’aide internationale : c’est le cas de la Corée du Sud, qui a refusé toute assistance. Pour d’autres, apporter l’aide revient à contourner les sanctions.

Ce nouveau désastre en RPDC est symptomatique des problèmes du pays : carences en infrastructures (réseau routier et ferroviaire obsolète), sévère impact sur l’environnement de la déforestation et impréparation. Ayant lancé un vaste mouvement de mobilisation nationale pour aider les victimes, régime doit impérativement réussir son pari et construire les 20 000 logements d’ici fin octobre. Il en va de sa crédibilité.