Le ministre polonais des affaires étrangères, Witold Waszczykowski, en février à Budapest. | ATTILA KISBENEDEK / AFP

Le gouvernement polonais a attaqué le Conseil de l’Europe après ses nouvelles critiques sur la crise constitutionnelle dans laquelle est plongé le pays depuis l’arrivée au pouvoir des ultraconservateurs du PiS (Droit et justice). Vendredi 14 octobre, la « commission de Venise », organe consultatif du Conseil de l’Europe, a émis son avis final – très critique – sur la série de lois régulant le fonctionnement du Tribunal constitutionnel polonais, la plus haute instance juridique du pays : « La nouvelle loi sur le Tribunal constitutionnel est non conforme à deux principes essentiels de l’équilibre des pouvoirs : l’indépendance du système judiciaire et le statut d’arbitre suprême du Tribunal en matière constitutionnelle. »

Dans la foulée, les médias publics, proches du pouvoir, ont annoncé ce week-end que le gouvernement avait « fini sa coopération » avec l’institution, citant un courrier lapidaire envoyé par le gouvernement polonais à son adresse. « L’avis présenté par la commission au sujet des juges du Tribunal constitutionnel est inadmissible, porte atteinte à la souveraineté de l’Etat, et est contraire au caractère apolitique de ce corps, peut-on lire dans la lettre du gouvernement. Outre le caractère non contraignant de l’opinion, il faut s’interroger dans quelle mesure la commission de Venise est habilitée à déterminer les normes constitutionnelles et à faire preuve d’ingérence dans les affaires internes de l’Etat (…). »

Dans un entretien télévisé, le ministre des affaires étrangères, Witold Waszczykowski, réputé pour ses sorties peu diplomatiques, a enfoncé le clou en qualifiant l’avis de la « commission de Venise » de « mensonger », « partial » et d’« offensant vis-à-vis du gouvernement et de la société polonaise. »

« Certaines améliorations »

Les représentants polonais avaient auparavant boycotté les délibérations de la commission, pour, comme l’a précisé le ministère des affaires étrangères, « ne pas les légitimer. » Mais l’avis des experts du Conseil de l’Europe – qui regroupe 47 Etats membres – ne laisse pas de doute : le pays traverse une crise constitutionnelle grave qui n’est pas sur le point de se résoudre.

La commission note cependant « certaines améliorations » depuis la publication, plus tôt cette année, de son avis préliminaire : la majorité requise pour que le Tribunal constitutionnel puisse se prononcer passe des deux tiers à la majorité simple, et le Président polonais ou le ministre de la justice n’ont plus la faculté d’engager des procédures disciplinaires contre les juges de la plus haute instance.

Le président du Tribunal constitutionnel, Andrzej Rzeplinski (à droite), le 12 janvier à Varsovie. | ADAM STEPIEN AGENCJA GAZETA / REUTERS

Cependant, note la commission, « l’effet de ces améliorations (…) est trop limité car d’autres dispositions de la loi adoptée retarderont et entraveront considérablement l’activité du Tribunal et pourront rendre son travail inefficace, tout en compromettant son indépendance par un contrôle législatif et exécutif excessif de son fonctionnement. »

Ennemi numéro un

La commission accuse aussi la chancellerie de la chef du gouvernement, Beata Szydlo, de s’arroger « sans aucun fondement constitutionnel ni juridique, (…) le pouvoir de contrôler la validité des décisions du Tribunal en refusant de publier ses décisions. » « Ces défaillances montrent qu’au lieu de débloquer la situation délicate du Tribunal constitutionnel, le Parlement et le gouvernement continuent de remettre en cause son rôle d’arbitre suprême en matière constitutionnelle en s’arrogeant ce pouvoir », concluent les experts du Conseil de l’Europe.

Pour le président du parti au pouvoir, Jaroslaw Kaczynski, le président du Tribunal constitutionnel, Andrzej Rzeplinski, reste plus que jamais l’ennemi numéro un. « Tant [qu’il] restera président, nous ne pouvons rien faire. Il enfreint la loi de manière ostentatoire et insolente », soutient le président du PiS. Le mandat de M. Rzeplinski – perçu par l’opposition centriste comme le dernier rempart à l’indépendance du Tribunal constitutionnel – arrive à échéance le 19 décembre.

Pologne : "Les ultraconservateurs ont voulu éviter un retour de bâton sur l'avortement"
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