A la convention républicaine de Cleveland (Ohio), le 20 juillet 2016. | JEFF SWENSEN / AFP

Luis Cavazos est un jeune homme de son temps, pressé, plein de faconde et de projets. Texan de 22 ans d’origine mexicaine, né à Brownsville, une cité frontalière tenue entre parenthèses par un haut mur métallique balayé par les vents et l’ennui, il rêve d’un monde meilleur. Sans misère ni racisme. Un monde où l’environnement serait préservé, le mariage gay accepté et la peine de mort définitivement abolie. « Oui, dit-il, je milite pour tout cela et je vote pour Donald Trump. »

La contradiction n’est qu’apparente, plaide-t-il. Le jeune étudiant en droit rappelle qu’il a grandi dans un milieu familial modeste et démocrate, dans une ville miséreuse et difficile, dirigée par le Parti démocrate depuis près d’un siècle et « où rien n’a changé » : « Nous avons besoin d’une rupture radicale, quelque chose de nouveau où chacun retrouve l’opportunité d’avoir un job digne et sans assistance de l’Etat, tout le contraire d’une Hillary Clinton. »

« Aucun de mes amis n’aime Hillary »

Luis sait que sa classe d’âge et l’écrasante majorité des Hispaniques rejettent le candidat républicain. Encore récemment, un sondage de l’institut Latino Decisions donnait la candidate démocrate à 70 % des intentions de vote parmi les électeurs latinos, contre à peine 19 % pour le magnat de l’immobilier. Un score loin des 27 % obtenus par le républicain Mitt Romney en 2012 et bien plus loin encore des 44 % de George W. Bush en 2004. « Les chiffres sont trompeurs, avance-t-il. Tous mes amis ont voté pour Bernie Sanders et aucun d’eux n’aime Hillary. En plus, il existe au sein de notre communauté un vote silencieux, surtout avec Trump. »

Bien sûr, Luis a été choqué par Donald Trump lorsqu’il a comparé les Mexicains sans papiers à des « violeurs ». Evidemment il a été déçu par la vidéo diffusée par le Washington Post, le 7 octobre, où l’on entendait l’homme d’affaires tenir des propos obscènes envers les femmes. « Ces paroles m’ont offensé, mais j’ai ressenti, dans le même temps, un profond déséquilibre dans la couverture médiatique. A aucun moment il n’a été fait état des nouvelles révélations de WikiLeaks à propos des mails d’Hillary sorties pourtant le même jour. » Il ajoute : « Trump m’est apparu sincère dans ses excuses. »

Luis a mis du temps avant de soutenir le milliardaire. Après avoir été séduit par Barack Obama en 2008 – « j’aimais ses idées » – puis déçu par « ses belles paroles et son inaction », il s’est rapproché d’un Romney – « mon premier bulletin de vote » –, du candidat Marco Rubio ensuite et du Texan Ted Cruz, avant de basculer lors de la convention républicaine de juillet pour Donald Trump. « Je ne dois pas toujours être d’accord avec lui, explique-t-il. Mais il faut être uni derrière le candidat du parti. Dans le fond, je suis persuadé que Trump est un bon gars, quelqu’un qui pense aux autres. »

Le fait qu’il ait reconnu ne pas avoir payé d’impôts depuis dix-huit ans ? « L’économie n’est pas un rassemblement d’enfants de chœur, répond Luis. Certes, ce qu’il a fait n’est pas éthique, mais il n’y a rien d’illégal. » Sa proposition de poursuivre la construction d’un mur à la frontière ? « Un non-sens, cela ne résoudra rien. Je crois que cela fait partie du spectacle électoral. D’ailleurs, Trump a adouci son verbe, il n’évoque plus toute la frontière, seulement des tronçons. En revanche, il a raison d’insister sur la lutte contre les trafics et le passage des illégaux. »

« Certains valeurs » sont menacées

Luis ne parle plus de politique avec ses parents, ses frères et sœurs. « Ils sont toujours démocrates, glisse-t-il, ils ont du mal à me comprendre, excepté parfois mon père. » Comme lui, il regarde davantage la chaîne conservatrice Fox News. Comme lui, il trouve que l’économie ne va pas mieux, que la dette n’a fait qu’empirer et que « certaines valeurs » sont menacées. « Trump s’est clairement prononcé contre l’avortement, lâche-t-il derrière un indécrochable sourire. C’est essentiel, non ? »