« Je veux bien que mon client, qu’il me pardonne, soit un imbécile ! » Le bâtonnier Jean-Yves Leborgne est ce qu’on appelle, et pas seulement à cause de sa belle voix, sa diction d’exception et sa maîtrise aiguë de l’imparfait du subjonctif, un ténor du barreau. Il a défendu l’ancien ministre Eric Woerth dans l’affaire Bettancourt, mais aussi l’ancien maire de Paris Jean Tiberi ou le rappeur Joey Starr.

Pour l’heure, ce lundi 17 octobre, il pose la main sur l’épaule du susdit client, le notaire retraité Robert Panhard, lequel, rappelle-t-il devant la 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris, n’a jamais connu, en trente-cinq ans d’exercice, « le moindre inconvénient ». Et d’ajouter qu’il n’a fait que « recevoir les demandes de ses clients », et que s’il avait, comme le ministère public le lui reproche, commis des malversations lors de la déclaration de succession des Wildenstein – « la fraude fiscale la plus sophistiquée et la plus longue de la Ve République ! », selon la procureure, Monica d’Onofrio – cela aurait été contre ses propres intérêts : les honoraires de sa profession étant fixés au prorata du montant d’icelle, laquelle est évaluée à quelques milliards par le procureur, cela équivaudrait à renoncer « à 2 millions d’euros d’émoluments, si les chiffres de l’administration fiscale sont exacts ».

Ambiguïtés

On l’a compris, le procès Wildenstein – pour fraude fiscale et blanchiment en bande organisée intenté contre la famille Wildenstein, marchands de tableaux depuis 1875 – est entré dans la phase des plaidoiries de la défense. Ce lundi 17 octobre, on plaidait pour les deux entités bancaires ayant abrité certains des trusts incriminés par le ministère public, mais aussi pour le notaire ayant validé – disent les procureurs – ces pratiques.

Me Leborgne a relevé les ambiguïtés de la doctrine du droit français en la matière, comme l’absence de doctrine administrative le concernant de la part des services fiscaux. Il a également chargé l’avocat fiscaliste Hubert Graveleau, selon lui le conseiller fiscal, le donneur d’ordres. Lequel, étant mort, n’a pas pu lui donner la réplique.

Son client est donc peut-être un « imbécile », selon ses termes, mais l’avocat semble intimement persuadé qu’il « n’a pas eu d’intention délictuelle ». La procureure a pourtant requis contre lui deux ans de prison avec sursis et 37 500 euros d’amende, estimant que Robert Panhard a déposé des déclarations de succession litigieuses, qui « ne font pas honneur à sa profession ».

Etaient aussi défendues, ce jour, deux banques, la Northern Trust Fiduciary Services, à Guernesey, et la Royal Bank of Canada Trust Company, qui abritaient des trusts. Contre elles, la procureure avait requis l’amende maximale pour complicité de fraude fiscale, soit 187 500 euros. Leurs représentants avaient l’air plutôt détendus.