L’Assemblée nationale, en novembre 2015. | JOEL SAGET / AFP

Le déclic a eu lieu après l’affaire Denis Baupin, en mai. Alors que le député écologiste venait de démissionner de son poste de vice-président de l’Assemblée nationale après avoir été accusé publiquement de harcèlement et d’agressions sexuelles par quatre de ses collègues, le climat s’est paradoxalement assombri pour les femmes dans le monde politique. « Cela a libéré une parole sexiste alors qu’on s’attendait plutôt à l’inverse », rapportent Charlotte Lestienne et Julie Rosenkranz, collaboratrices à l’Assemblée nationale, témoins à l’époque de multiples propos graveleux et déplacés.

Avec une dizaine d’autres assistantes parlementaires constituées en collectif, elles ont donc décidé de prendre à leur tour la plume. Après des journalistes en mai 2015 et des élues l’année suivante, elles dénoncent dans une tribune le « harcèlement » dont elles sont encore souvent victimes. Pour « faire la lumière » sur ce « sexisme ordinaire » du monde politique qui n’existe pas que dans les couloirs du Palais-Bourbon, elles lancent un site Internet (https ://chaircollaboratrice.com/), lundi 17 octobre, visant à relayer les témoignages des victimes.

« Nous entendons chaque jour des anecdotes sur des situations inappropriées », assurent les membres du collectif. D’autant que « le travail de collaborateur est particulier : il suppose une proximité avec l’employeur que la plupart des autres fonctions ne nécessitent pas. Très souvent, la collaboratrice ou le collaborateur travaille tard, fait des déplacements, le tout en tête à tête avec l’élu ».

Pour le moment, les témoignages ne font que commencer à arriver mais certains sont déjà édifiants. Ainsi, ce député qui salue deux collaboratrices par un « mes petites filles » lourd de sous-entendus. Ou ce sénateur qui en interrompt deux autres en pleine discussion technique sur la réforme territoriale en leur lançant : « Alors les petites garces, vous nous faites un spectacle de pom-pom girls ? » Toutefois, aucun élu ne devrait être nommément visé, l’anonymat étant garanti à toutes celles qui voudraient témoigner.

Du côté de l’Assemblée, le sujet commence à être peu à peu pris au sérieux, mais les choses bougent lentement. Constatant la quasi-inefficacité de la « référente en matière de harcèlement » installée en 2013 dans la maison, le déontologue de l’Assemblée, Ferdinand Mélin-Soucramanien, devrait faire prochainement des propositions en la matière. Mais la législature touche à sa fin et il reste à voir si le prochain président de l’Assemblée nationale fera de ce sujet l’une de ses priorités.