Au Japon, la VR Zone : Project I Can permettait jusqu’en octobre d’essayer les expériences atypiques de l’industrie nippone. | VR Zone

Revêtu d’un casque de réalité virtuelle, vous voilà transporté d’un coup dans une maison donnant sur un jardin zen. Un halo de lumière se dépose délicatement sur le tatami. Les murs en papier très fin laissent entrevoir un homme. Incarnation du bel éphèbe de jeux vidéo destiné au public féminin, il entreprend une courte cérémonie du thé et caresse un chat. Car il n’y a rien de plus craquant. Sourire complice, il se retourne, entouré d’une nuée de pétales de cerisier. « On se revoit bientôt », murmure-t-il en s’éloignant. Fin de cette plongée entre tradition et modernité, présentée en septembre au salon Tokyo Game Show.

Cette courte séquence était une des expériences promotionnelles de Tôken Rambu Online (« Les épées turbulentes »), un jeu ciblant les Japonaises, comme l’essentiel de la production de l’éditeur DMM Games. Spécialisée en jeux vidéo et VOD, cette société a commencé ses activités en fournissant de la VOD de films pour adultes. Aujourd’hui, les projets de réalité virtuelle (VR) sont la vitrine technologique du grand groupe qu’elle est devenue.

【刀剣乱舞-ONLINE:動画比較】新OP「夢現乱舞抄」 どこが違うか探してみよう!?あれ…おじいちゃん!!!!
Durée : 03:36

Expérience au-delà de la gêne

Plus généralement, le jeu de la séduction virtuelle et ses transgressions kawai sont désormais une norme au Japon. Y compris les expériences qui vont au-delà de la gêne. Prendre un bain avec une « Cléopâtre de dessin animé » ou essayer de jouer à un jeu de cache-cache équivoque ? Dans l’industrie nippone, quelqu’un y a déjà forcément pensé. Les bornes de démo ne désemplissaient pas lors du Tokyo Game Show, où presque tous les éditeurs présentaient une expérience à vivre qui préfigure le jeu vidéo japonais des prochaines années.

A l’heure de la sortie mondiale du PlayStation VR, le casque de réalité virtuelle de Sony pour PlayStation 4 y a causé d’impressionnantes files d’attente avant l’ouverture des magasins. Les réservations qui étaient déjà fermées depuis plusieurs mois se sont rouvertes en septembre et un certain public y a vu un intérêt grandissant.

Pour le marché japonais, Sony propose des expériences sur mesure comme par exemple Shin Godzilla, une courte démo de quelques minutes basée sur le récent carton au cinéma… où l’on se fait simplement écraser par le mythique kaijû. Expérience sociale obligatoire au Japon, le karaoké virtuel est évidemment disponible pour la sortie du PS VR. Et quoi de plus naturel que de chanter à tue-tête au milieu d’un Neko-café rempli de gros matous ?

Au bout d’une poutre, au dernier étage d’un building

Côté développeurs, on voit cette nouvelle technologie accessible au grand public comme une opportunité. La génération PlayStation 3 a vu un certain déclin du jeu vidéo japonais, toujours à la traîne au niveau technologique comparé aux studios occidentaux. Les coûts grandissants des productions ont sonné le glas pour de nombreuses compagnies les plus modestes. Chez les cadres de l’industrie, la tendance, ces quinze dernières années, a été la fusion et le rachat à tout-va : Bandai Namco, Koei Tecmo, Square Enix, Spike Chunsoft.

Avec leur technologie 3D apparemment moins poussée, gros et petits studios japonais voient la VR comme une opportunité de reprendre le train en route. Dans un pays où le marché de la console va déclinant, c’est peut-être la nouveauté qui va faire la différence.

Depuis quelques mois déjà, les showrooms et les expériences de tests se sont multipliés dans la capitale. Sous l’égide de Bandai Namco, le VR Zone Project i Can avait ouvert ses portes jusqu’en octobre. On pouvait y essayer Argyle Shift, une démonstration de jeu de tir sur le casque HTC Vive. C’est la première fois que Production I.G, responsable de la série Ghost in the Shell s’essayait au mélange de virtuel et de dessin animé.

VR ZONE Project - ARGYLE SHIFT
Durée : 00:29

Chez les fans de robots, de simulateurs de trains et de cockpits futuristes, la VR est déjà considérée comme acquise, comme pour ce fan venu piloter un robot géant au Tokyo Game Show. « Je n’attends plus que des jeux de combats aériens comme Ace Combat. La VR, c’est parfait pour le pilotage », témoigne Hiroshi, étudiant à l’université, passionné de modélisme – et manifestement peu sensible au mal des transports.

Mais ce qui a fait le plus parler au Japon, c’est cette démo où l’on doit sauver un chat, perché au bout d’une poutre accrochée au dernier étage d’un building. « Je n’ai jamais ressenti un truc comme ça », nous raconte une jeune lycéenne qui a accepté de payer quelques centaines de yens pour ressentir le vertige.

「さあ、取り乱せ。」【VR ZONE Project i Can】 プロモーションムービー
Durée : 01:31

Cahier de vacances virtuel et sexy

Le Japon a décidé d’utiliser la VR comme un tremplin à expériences. Les prototypes d’Escape Room virtuelles se sont multipliés dont une, très étrange, où l’on doit taper dans la main de son partenaire, tout en gardant son casque.

Mais comme certains l’affirment ici, presque par habitude, de même que pour la cassette VHS ou le DVD, aucun nouveau support technologique ne peut s’imposer sans une certaine dose de sexe.

Pour vendre sa technologie, la société M2 a ainsi décidé d’utiliser un mannequin habillé en écolière, et qui devient une vraie écolière kawai sous un casque VR. L’expérience est instantanément retranscrite sous forme de dessin animé.

Transformer l’intime et le gênant en expérience virtuelle est déjà devenu un sport pour les petits studios. On imagine les futurs simulateurs de maids cafés, ces bars où l’on se fait servir par des jeunes filles déguisées en soubrettes ou en femme-chat. Au pays des robots-animaux Aïbo et des personnages de dessins animés dont on tombe amoureux, ce ne serait finalement pas très étonnant.

Un des produits de lancement du PS VR au Japon s’appelle Summer Lesson. Ce jeu de Bandai Namco met le joueur dans la peau d’un prof qui donne des cours particuliers à Hikari Miyamoto, une lycéenne, pendant l’été. En réalité, il n’est pas tant question de lui donner des cours que de se laisser aller ou non à flirter.

Tout est sous-entendu dans les attitudes de l’élève qui se penche sur le joueur, qui peut plonger ou non son regard dans les yeux et les habits de l’écolière. Le producteur, Katsuhiro Terada à qui l’on doit le jeu de combat Tekken, sait déjà que ce qui est admis au Japon ne le serait pas en Occident. Son expérience perturbante de cahier de vacances virtuel et sexy n’y sortira pas.

「サマーレッスン:宮本ひかり セブンデイズルーム(基本ゲームパック)」TGS2016PV
Durée : 02:35

Paradoxalement, si au Japon, des jeux érotiques faisant figurer des jeunes filles mineures sont autorisés, l’intimité reste un sujet délicat. En permettant de créer des expériences immersives, la réalité virtuelle fait ce qu’on ose plus faire : se rapprocher. Reste à savoir s’il s’agit d’un bon argument de vente pour le PlayStation VR, commercialisé depuis une semaine dans l’archipel.