Kader Attia à Berlin, le 3 juillet 2016. | MICHAEL DANNER

Créé à l’initiative de l’Association pour la défense de l’art français (Adiaf), le prix Marcel-Duchamp 2016 a été remis mardi 18 octobre à l’artiste franco-algérien Kader Attia. Dans un contexte où prospèrent les discours inquiets autour de l’identité française, la nouvelle fournée de ce prix, exposé au Centre Pompidou, a mis en exergue des créateurs aux origines multiples : Barthélémy Togo, né au Cameroun, l’Allemande Ulla Van Brandenburg ou Yto Barrada, qui se partage entre le Maroc, la France et les Etats-Unis.

« Ce parti pris souligne la notion de France, terre d’accueil, mais aussi le goût d’universalisme qui est le fondement de la culture française, confie le collectionneur Gilles Fuchs, fondateur de l’Adiaf. Il est vrai que dans le contexte actuel, cette attitude qui a toujours été la nôtre prend une résonance particulière, mais on ne peut qu’être heureux que la France continue à attirer – et à accueillir – tant d’artistes du monde entier qui nous enrichissent profondément. »

« En finir avec les clichés de part et d’autre »

L’œuvre de Kader Attia explore depuis une quinzaine d’années le thème de la réparation. Une réparation à prendre au sens propre, avec les gueules cassées de la première guerre mondiale et les sculptures africaines suturées ou agrafées, mais aussi au sens figuré de dédommagement. Peut-on panser une blessure mémorielle ou physique ? Une prothèse répare-t-elle la perte ? Doit-on vivre avec le souvenir d’un membre fantôme, ou accepter son irrévocable disparition ?

Ces questions, le créateur érudit entend aussi les labourer dans la Colonie (le mot est barré), un lieu qu’il ouvrira le 21 octobre, à Paris. A la fois bar, centre de débat, de pensée et d’exposition, cet espace entièrement privé veut dépasser tensions et amertumes nées de la colonisation. « On veut en finir avec les clichés de part et d’autre, les images en noir et blanc de la bataille d’Alger, mais voir ce qu’on peut inventer à partir de l’héritage de la décolonisation », confie l’artiste, qui renvoie dos à dos vainqueurs et vaincus, dominants et dominés.