Le premier ministre socialiste portugais, Antonio Costa, le 14 octobre, à Lisbonne. | PATRICIA DE MELO MOREIRA / AFP

Semaine test pour le Portugal. Alors que la Commission européenne a reçu, lundi 17 octobre, le projet de budget du gouvernement pour 2017, Lisbonne attend avec nervosité le verdict de l’agence de notation canadienne DBRS. Vendredi 21 octobre, celle-ci doit en effet annoncer si elle révise ou non la note de la dette portugaise.

« L’enjeu est grand, car en cas de dégradation, le pays pourrait avoir des difficultés à se financer », prévient Ricardo Amaro, chez Oxford Economics.

Autant dire que la partie est serrée pour le premier ministre socialiste Antonio Costa, arrivé au pouvoir en novembre 2015 avec la promesse de mettre un terme à l’austérité. Dans son projet de loi de finances 2017, il tente de ménager ses alliés communistes et du Bloc de gauche, qui soutiennent son gouvernement sans y participer, tout en rassurant sur sa volonté de contenir les déficits.

« C’est un budget responsable, marqué par un assainissement des comptes conjugué à des orientations sociales », a résumé le ministre des finances Mario Centeno.

Le gouvernement s’engage ainsi à ramener le déficit public à 2,4 % du produit intérieur brut (PIB) cette année et à 1,6 % en 2017.

En juillet, Lisbonne a échappé de justesse à une amende de la Commission, qui lui reprochait un déficit public frôlant les 4,4 % du PIB en 2015, loin de la barre des 3 % fixée par les règles européennes.

Pas suffisamment crédible

Si Bruxelles juge que la nouvelle trajectoire budgétaire du gouvernement Costa n’est pas suffisamment crédible, elle pourrait suspendre les fonds structurels versés au pays. Le verdict doit tomber d’ici à la fin du mois.

« Les fonctionnaires européens devraient plutôt bien accueillir ce projet de budget, même s’il repose sur une prévision de croissance optimiste, de 1,2 % cette année et 1,5 % en 2017 », juge M. Amaro.

Le Fonds monétaire international (FMI) table plutôt sur une croissance de 1,1 % l’an prochain.

Côté dépenses, le gouvernement prévoit d’augmenter de 10 euros par mois les retraites modestes (275 à 628 euros mensuels) et de revaloriser certaines allocations sociales pour les familles à bas revenu, qui profiteront également de baisses d’impôts. De quoi doper la consommation des ménages, espère Lisbonne. Ces mesures seront financées par une hausse des taxes sur les patrimoines immobiliers supérieurs à 600 000 euros. Au grand dam des professionnels du secteur : ils redoutent que cela décourage les Européens – notamment les retraités français – désirant acheter une résidence dans le pays.

En juillet, le pays a échappé de justesse à une amende de la Commission

Le projet de budget sera soumis à un premier vote du Parlement le 4 novembre. Si le Bloc de gauche et les Communistes font pression pour obtenir plus de mesures sociales, ils devraient apporter leurs voix au gouvernement.

« Mais la coalition reste très fragile, je doute qu’elle tienne jusqu’à la fin du mandat de M. Costa, en 2019 », nuance Jésus Castillo, spécialiste du pays chez Natixis.

Perspectives sombres

En outre, les perspectives à long terme de l’économie lusitanienne sont plutôt sombres. En mai 2014, le Portugal est sorti du douloureux plan d’aide de la « troïka » (FMI, Commission, Banque centrale européenne) et a regagné l’accès aux marchés financiers. Mais le pays, qui exporte principalement des produits milieu de gamme et de l’agroalimentaire, souffre du ralentissement du commerce mondial.
« Il est aussi pénalisé par les difficultés de ses anciennes colonies, notamment l’Angola et le Brésil, affectées par la baisse des cours des matières premières », ajoute M. Castillo.

S’ajoutent à cela le fort endettement public (130 % du PIB), le taux de chômage élevé (11 %) et les fragilités du secteur bancaire, plombé par les créances douteuses.

Pas étonnant, dès lors, que trois des quatre agences de notation reconnues par la BCE aient déjà abaissé la note de la dette portugaise en catégorie « spéculative » (note inférieure à BBB –). La quatrième agence, DBRS, classe encore le Portugal en catégorie « investissement », précieux sésame autorisant la BCE à racheter les obligations publiques du pays. Vendredi 21 octobre, DBRS doit revoir son évaluation. Une dégra­dation ferait automatiquement grimper les taux d’emprunt à dix ans portugais, aujourd’hui de 3,2 %.

« Un scénario noir, susceptible de mettre en péril la soutenabilité de la dette du pays », prévient M. Amaro. Avant de rassurer : « mais il est peu probable que DBRS modifie sa note ».