Six des huit prévenus, mercredi 19 octobre, devant la cour d’appel d’Amiens. | FRANCOIS NASCIMBENI / AFP

Condamnés pour séquestration à deux ans de prison, dont neuf mois ferme, en première instance en janvier 2016, huit anciens salariés de Goodyear Amiens-Nord, comparaissent mercredi 19 octobre devant la cour d’appel d’Amiens (Somme). Les prévenus, dont cinq sont des militants de la CGT, sont poursuivis pour « séquestration et violences en réunion » après avoir retenu pendant plus de trente heures deux cadres de l’entreprise, les 6 et 7 janvier 2014. Une ultime action intervenue à l’époque après sept années de lutte contre la fermeture de l’usine, actée deux semaines plus tard.

La condamnation des protagonistes, deux ans plus tard, à de la prison ferme avait été perçue comme un coup de tonnerre dans le milieu syndical et politique. C’était en effet une première en France contre des syndicalistes. D’autant plus que les deux cadres séquestrés – Bernard Glesser, directeur des ressources humaines, et Michel Dheilly, directeur de production – ainsi que Goodyear avaient retiré leur plainte dans le cadre de l’accord de fin de conflit signé le 21 janvier 2014. Mais le parquet a décidé de poursuivre l’affaire.

Les prévenus se sont donc retrouvés devant la cour d’appel d’Amiens, mercredi matin, soutenus par plusieurs milliers de personnes (10 000 selon la CGT et 5 000 selon la préfecture) et de nombreuses personnalités politiques dont les candidats à la présidentielle Jean-Luc Mélenchon et Nathalie Arthaud ou encore Olivier Besancenot. Cette fois-ci, l’avocat de la défense, Fiodor Rilov, l’assure avant l’audience, il est venu chercher « la relaxe ».

Mercredi, les anciens salariés ont été interrogés à nouveau sur le déroulé de la journée du 6 janvier 2014. Ce matin-là, deux délégués syndicaux, Reynald Jurek et Mickaël Wamen, le chef de file médiatique des salariés, devaient retrouver à 10 heures M. Dheilly pour connaître la réponse du groupe à leur demande de rouvrir les négociations sur les conditions de départ dans le cadre de la fermeture de l’usine.

Entre 5 000 et 10 000 personnes se sont rassemblées à Amiens pour soutenir les anciens salariés de Goodyear. | FRANCOIS NASCIMBENI / AFP

« Les pires heures de ma vie »

« Mais quand on est montés, la secrétaire nous a dit que MM. Dheilly et Glesser étaient en bas, dans la salle de réunion avec les salariés, affirme M. Jurek. Mais ce n’est pas ce qui était prévu, c’est étonnant… »

« Comment une direction, qui est la seule à pouvoir ouvrir la salle, permet aux salariés d’y entrer ? questionne Michaël Wamen, qui ne comprend que la direction n’ait pas été plus prudente. Près de cent personnes étaient présentes dans cette salle. L’ambiance était déjà très tendue. »

Rapidement, une des portes de sortie est bloquée par un pneu. La tension monte. « Quand les cadres annoncent qu’il n’y a pas de réouverture des négociations, les gens étaient en colère. Ils étaient en train de perdre leur emploi quand même », poursuit M. Jurek, tandis qu’au même moment les militants CGT continuent à chanter leur slogan, devant le tribunal. « Le climat était anxiogène », rappelle un autre prévenu, Mickaël Mallet, à la barre.

« On peut être en colère, mais il y a la manière de la manifester », rétorque alors le président de la cour d’appel, René Grouman. Mais la plupart des prévenus l’assurent, ils n’étaient pas forcément d’accord avec cette action. Selon eux, ils auraient alors tenté d’apaiser la situation. « Mon intégrité physique aurait été mise à mal si j’avais tenté de m’y opposer, fait savoir M. Mallet, également délégué CGT. Il y aurait eu du grabuge. »

« J’ai passé les pires heures de ma vie, se souvient de son côté Mickaël Wamen. J’ai dit aux salariés : vous êtes cinglés, vous allez finir en taule. Je ne pensais pas que c’est moi qui y finirais. »

« Je n’ai rien entravé du tout »

Ils contestent ainsi tous avoir joué un rôle actif dans cette séquestration de plus d’une trentaine d’heures. « Qu’ils se soient sentis retenus, peut-être… Je suis ici, mais à aucun moment je n’ai entravé leur liberté de se lever ou de partir. Pour moi, je n’ai rien entravé du tout », assure M. Jurek.

Selon eux, la raison de leur présence dans cette salle d’audience est simple : leur appartenance à la CGT. Ils soulèvent que peu de personnes ont été poursuivies dans cette affaire. Un des prévenus, Hassan Boukri : « Je n’ai rien fait de mal. Et puis les deux cadres connaissaient tout le monde dans la salle. Pourquoi les responsables de cette action ne sont pas ici ? Et pourquoi je suis là ? Moi j’ai l’étiquette de la CGT… »

M. Mallet affirme même ensuite qu’un salarié, dont il ne veut pas donner le nom, s’est présenté « avec un couteau dans la salle. Les huissiers, les forces de l’ordre l’ont vu, mais pourquoi il n’est pas ici ? Tout le monde n’est pas au courant de tout j’ai l’impression ». Le procès, qui se poursuit dans l’après-midi, pourrait se terminer tard dans la soirée.

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