Anne Hidalgo, à Paris, le 14 septembre. | CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Tourisme en berne et loi Macron obligent : Anne Hidalgo a choisi de rompre avec une partie de sa majorité sur le dossier du travail du dimanche. La maire socialiste de la capitale a indiqué, mardi 18 octobre, son intention d’autoriser les commerces à ouvrir douze dimanches en 2017. Soit davantage que ce que souhaitaient les écologistes et le Front de Gauche qui participent à son exécutif. Elle soumettra le 7 novembre ce choix au conseil de Paris.

La mairie explique vouloir soutenir « les commerces de proximité touchés par la baisse de la fréquentation touristique » et fragilisés par la « concurrence » de l’ouverture dominicale des grandes enseignes. Le choix d’autoriser les commerces à ouvrir un dimanche par mois n’était pas celui de la municipalité au départ. Les groupes de la majorité, dont le PS, envisageaient une ouverture cinq dimanches voire sept. Leur position commune figure dans le rapport de la mission d’information et d’évaluation (MIE) sur le travail dominical présenté en conseil de Paris en février 2015.

« Le rapport de la MIE a été rédigé par les groupes politiques, prend soin de souligner Mathias Vicherat, directeur de cabinet de Mme Hidalgo. La maire n’a jamais indiqué qu’elle n’autoriserait pas l’ouverture douze dimanches par an. »

« Lorsque la MIE a rendu son rapport, début 2015, la fréquentation touristique n’était pas en berne », rappelle Bruno Julliard, premier adjoint de Mme Hidalgo. Depuis « le contexte a changé. Les petits commerces subissent la baisse des touristes d’autant plus que ceux-ci peuvent plus facilement faire leurs courses dominicales dans les grands magasins du fait des zones touristiques internationales (ZTI) », explique-t-il.

« Pragmatisme »

La loi d’août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », a permis la création de douze ZTI au sein desquels les commerces peuvent d’ores et déjà travailler tous les dimanches et jusqu’à minuit en semaine sous réserve d’un accord d’entreprise. Plus de 80 grandes enseignes ouvrent leurs portes le dimanche dans les ZTI contre une soixantaine dans tout Paris avant la loi Macron. Mme Hidalgo « s’est opposée la loi Macron non parce qu’elle était contre le travail du dimanche mais parce qu’elle condamnait le fait que l’Etat décide des ZTI à la place du maire », souligne M. Vicherat. « La décision d’accorder douze dimanches ouvrables témoigne de notre pragmatisme, résume M. Julliard. Il s’agit d’éviter au petit commerce la double peine de la baisse du tourisme et des ZTI. »

Mais en appliquant la loi Macron qui a étendu de cinq à douze le nombre d’ouverture dominicales possibles dans l’année, Mme Hidalgo fâche ses alliés politiques. A commencer par les écologistes qui voteront contre. « Nous sommes déçus de voir que l’aile libérale du PS parisien l’a emporté », affirme Anne Souyris, coprésidente du groupe EELV au conseil de Paris. Le travail du dimanche « n’est une bonne chose ni pour la qualité de vie familiale, ni pour l’égalité des entreprises devant le coût du travail ni pour le petit commerce ».

Pour le groupe Front de gauche-PCF, « l’ouverture douze dimanches est une position inacceptable », affirme Nicolas Bonnet-Oulaldj, président du groupe au conseil de Paris. Mme Hidalgo « cède sous la pression des branches du commerce et de l’artisanat alors que le dimanche doit être un moment de repos pour les salariés. A Berlin, les commerces sont ouverts 8 dimanches, à Londres en dessous de 12. Et l’ensemble des villes de France ont une moyenne de 7 dimanches ouverts », remarque-t-il. « A quoi sert-il que la maire ait repris la main sur les dimanches dérogatoires, si c’est pour faire la même chose que le préfet qui avait accordé douze dimanches en 2016 ? », s’interroge le chef de file du Front de gauche.

« Conversion tardive »

En juin 2016, Mme Hidalgo avait, en effet, obtenu de récupérer le pouvoir de décision sur les dimanches « dérogatoires » à la place du préfet. Alors que tous les maires de France ont historiquement cette compétence, la loi Macron avait maintenu la capitale sous la tutelle préfectorale en la matière. Une décision du Conseil constitutionnel a permis à Mme Hidalgo de replacer Paris sur un pied d’égalité avec les autres villes.

Soucieux de ne pas donner le sentiment d’un quelconque rapprochement avec la ligne Macron, l’exécutif parisien souligne la portée sociale de sa décision : « Les employés qui travailleront pendant les dimanches dérogatoires verront leur salaire doubler alors qu’il n’augmente que de 30 % dans les ZTI ».

La droite parisienne, elle, applaudit. « Plus il y a de dimanches ouverts, mieux c’est pour l’attractivité de Paris !, s’exclame Jean-Baptiste de Froment, conseiller de Paris (Les Républicains). Notre position a toujours été d’ouvrir 52 dimanches par an sur tout Paris ».

Si le vote au conseil de Paris est consultatif, la loi Macron oblige Mme Hidalgo a obtenir un feu vert de la métropole du grand Paris (MGP) pour mettre en œuvre sa décision. Majoritaire au sein de l’institution métropolitaine, la droite aura mauvaise grâce à ne pas approuver ce qu’elle considère déjà comme « une conversion tardive mais salutaire » de Mme Hidalgo « au travail dominical », selon Jérôme Dubus, élu (LR) parisien.