L’ex-vice-président de la République démocratique du Congo Jean-Pierre Bemba, a la Cour pénale internationale (CPI), à La Haye (Pays-Bas), le 21 juin. | MICHAEL KOOREN / AFP

La saga judiciaire de Jean-Pierre Bemba se poursuit à La Haye. Mercredi 19 octobre, la Cour pénale internationale (CPI) a déclaré l’ancien vice-président congolais et ses quatre co-accusés coupables de subornation de témoins.

Ce procès est lié à un précédent, celui pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité à l’issue duquel M. Bemba avait été condamné à dix-huit ans de prison. C’est pour obtenir son acquittement à ce procès qu’il aurait tenté de corrompre des témoins.

« M. Jean-Pierre Bemba Gombo, la chambre vous juge coupable » d’avoir influencé « de manière corrompue » quatorze témoins, présenté de fausses preuves et sollicité la déclaration de faux témoignages, a déclaré le juge de la CPI Bertram Schmitt, dénonçant les « sérieuses offenses contre l’administration de la justice ».

M. Bemba, ses avocats Aimé Kilolo et Jean-Jacques Mangenda, ainsi que Fidèle Babala, un député du parti Mouvement de libération du Congo (MLC), et un témoin de la défense, Narcisse Arido, avaient versé de l’argent et donné des cadeaux à des témoins ou leur avaient promis une réinstallation et une sécurité en échange d’un faux témoignage devant la CPI.

La CPI « envoie un message clair »

Il s’agit du premier procès pour subornation de témoins de l’histoire de la CPI. « Aucun système légal au monde ne peut accepter que des témoins soient soudoyés, incités à mentir ou briefés. Le jugement d’aujourd’hui envoie un message clair : la cour refuse que ses procédures soient freinées ou détruites », a ajouté M. Schmitt à la lecture du verdict.

L’ancien riche homme d’affaires de 53 ans avait été condamné en juin à dix-huit ans de prison pour la vague de meurtres et de viols commis par le MLC, sa milice, en Centrafrique entre octobre 2002 et mars 2003. Celui qui est surnommé le « Mobutu miniature » avait interjeté appel de sa condamnation fin septembre.

« Faire la couleur » et « donner du sucre »

Afin de « duper la chambre », l’ancien chef de guerre et ses deux avocats « ont mis sur pied un plan commun », a souligné le juge. Les accusés utilisaient un langage codé : « Faire la couleur » signifiant par exemple soudoyer ou briefer des témoins.

Aimé Kilolo était chargé de leur donner les instructions : « Voici ce que tu diras », « dis que tu ne sais rien à ce sujet ». L’avocat a également effectué ou facilité le transfert d’argent, de téléphones et d’ordinateurs portables auprès des témoins.

Fidèle Babala a pour sa part encouragé M. Bemba à assurer « le service après-vente » : « Il est bon de donner du sucre aux gens », lui avait-il conseillé, faisant référence aux pots-de-vin.

Témoin agissant comme « intermédiaire », Narcisse Arido a recruté quatre des quatorze témoins corrompus, leur promettant la somme de 10 millions de francs CFA (environ 15 200 euros) et un déménagement en Europe.

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