Donald Trump sur la scène de l’université de Las Vegas le 19 octobre. | JOHN LOCHER / AP

Il avait jusqu’alors sans doute donné le meilleur de lui-même dans une telle situation. Plus maître de lui que pendant le premier débat présidentiel, moins agressif qu’au cours du deuxième, Donald Trump avait défendu, face à son adversaire démocrate Hillary Clinton, des positions susceptibles de convenir au noyau de ses sympathisants avec une discipline inhabituelle, à l’université du Nevada, mercredi 19 octobre.

C’est alors que le modérateur du troisième et dernier débat de cette campagne présidentielle, Chris Wallace, journaliste de la chaîne Fox News, a interrogé le candidat républicain à propos de ses accusations contre une élection « truquée ».

Acceptera-t-il le verdict des urnes ? « Je verrai à ce moment-là », a répliqué M. Trump. M. Wallace, incrédule, lui rappelant la tradition américaine du « transfert pacifique du pouvoir », M. Trump a répété, définitif : « Je vous dis que je vous le dirai à ce moment-là. Je vous laisse dans le suspense. »

Son adversaire, qui avait tenté à de nombreuses reprises de le faire sortir de ses gonds, avec moins de succès que lors du premier débat, n’avait plus qu’à ramasser la mise. « C’est terrifiant », a-t-elle commenté : « Dès que Donald pense que les choses ne vont pas dans son sens, il affirme que tout est truqué contre lui. »

Comportement infantile

La démocrate, qui s’était manifestement préparée une nouvelle fois minutieusement pour ce débat, a alors énuméré une série de sujets pour lesquels le milliardaire avait par le passé avancé l’argument du trucage, terminant par l’attribution d’une récompense audiovisuelle, un Emmy Award qu’il jugeait devoir obtenir pour sa participation à l’émission de téléréalité « The Apprentice ». M. Trump, cette fois-ci, n’a pas pu résister. « J’aurais dû l’avoir », a-t-il coupé, validant la thèse du comportement infantile échafaudée par son adversaire.

Donald Trump n’avait plus rien à perdre au cours de ce dernier débat. Décroché dans les sondages par Mme Clinton au niveau national, certes purement indicatif, comme dans les Etats où se jouera l’élection présidentielle, le 8 novembre – même s’il conteste la pertinence de ces enquêtes –, il se devait d’apparaître comme le présidentiable que son parti a longtemps espéré, avant que la controverse sur ses relations avec les femmes ne pollue durablement sa campagne, et provoque un effritement de ses positions auprès de cet électorat stratégique.

Le magnat de l’immobilier devait rassurer au-delà du cercle de ses inconditionnels qui continuent de se presser à ses meetings, entretenant sans doute en lui l’idée d’un mouvement plus profond et plus massif que les intentions de vote ne le laissent paraître.

Interrogé sur les armes à feu et l’avortement, M. Trump s’en est tenu à un message populaire auprès de cette base. En laissant entendre qu’il nommerait à la Cour suprême des juges susceptibles de revenir sur l’arrêt Roe vs Wade – il garantit aux femmes le droit d’avorter –, il a sans doute compliqué sa tâche auprès d’une partie des électrices.

« Suspens »

Il a aussi aggravé son cas quelques instants plus tard en niant sans la moindre réserve les accusations d’attouchements sexuels avancées par neuf femmes depuis que s’est tenu le deuxième débat.

Il les a accusées de chercher leur « dix minutes de célébrité » ou d’être manipulées par Mme Clinton, alors que cette dernière s’est montrée aussi convaincante que la First Lady Michelle Obama, le 13 octobre, pour dénoncer le comportement de prédateurs de certains hommes.

M. Trump, qui avait exhumé des accusations similaires visant le mari de son adversaire, l’ancien président Bill Clinton, aurait pu contre attaquer, mais il avait manifestement déjà perdu la concentration nécessaire pour utiliser ses arguments.

En fin de débat, alors que Mme Clinton lui adressait une nouvelle pique, il l’a interrompu par un très aigre « quelle sale femme », qui devrait bientôt apparaître dans les publicités de campagne de la démocrate.

Le « suspens » qu’il entend maintenir jusqu’au 8 novembre devrait également y figurer. M. Trump avait frappé les esprits lors du tout premier débat entre candidats à l’investiture républicaine, le 6 août 2015, lorsqu’il avait refusé de s’engager à soutenir le vainqueur de la course, pour le cas où il s’agirait d’un autre que lui. Il s’adressait alors à une base républicaine en quasi-rébellion contre la direction du Grand Old Party. Mercredi, à Las Vegas, M. Trump a parié une nouvelle fois, mais il s’adressait alors à l’ensemble des électeurs américains.

Comprendre les élections américaines en 4 minutes
Durée : 04:21