D’après le bilan communiqué par le gouvernement, le nombre de victimes serait d’au moins 70 morts et plus de 500 blessés. | AFP

« Oh mon Dieu ! Ils viennent de retirer un autre corps. Regarde. Tu vois ? ». L’index pointé sur une pèle excavatrice au lointain, Madeleine, drapée dans une robe pagne aux motifs africains, le visage concentré, suit les opérations de fouilles mises sur pied par le gouvernement camerounais pour retrouver les corps des victimes du déraillement du train survenu vendredi 21 octobre à Eseka, localité située à une centaine de kilomètres de Yaoundé, capitale du Cameroun.

Agglutinés au bord de la route défoncée du quartier Météo, à 400 mètres de la gare ferroviaire, des hommes, femmes et enfants, ont les regards tournés vers le ravin où quatre wagons du train 152 de la Cameroon Railways (Camrail) ont fini leur course folle. Les travaux de fouille sont menés par les éléments du génie militaire, en collaboration avec le corps national des sapeurs pompiers et d’autres forces de 3e, 2e et 1ère catégorie, qui assurent le volet sécurité.

Interdiction de filmer et d’approcher

« Depuis le début du drame, les forces de défense sont mobilisées. Lorsque nous sommes arrivés, le plus important était d’extraire les corps qui étaient dans les ravins. Lorsqu’il y a un événement comme celui-là, il y a beaucoup de wagons qui s’entremêlent et la difficulté que nous rencontrons est de les extraire sans les endommager. C’est ce qui fait que nous le faisons minutieusement », explique, mine fatiguée, le colonel Jackson Kamgain, directeur du génie militaire.

D’après le bilan communiqué par le gouvernement, le nombre de victimes serait d’au moins 70 morts et plus de 500 blessés. Ce dimanche, douze corps ont déjà été extraits de la boue où s’étaient logées les voitures. « Hier, nous avons sorti sept corps », rappelle le colonel.

Non loin de lui, des militaires, cache-nez blancs et des hommes en blouse blanche vont et viennent. Impossible de suivre leur évolution. « Il est interdit de filmer et d’approcher de ce site », tonnent des militaires, armes au poing.

La population, visiblement en colère, n’apprécie pas l’intimidation. « Au début, quand nous portions secours à ces blessés, où étaient-ils ?, lance une jeune femme à haute voix pour se faire entendre du militaire. Ce sont les jeunes garçons de ce village qui ont sauvé les blessés et transporté des morts. Les militaires, policiers et gendarmes ne sont arrivés que dans la soirée ». Des voix élèvent. D’après ces habitants, ce sont eux qui ont « sauvé » les voyageurs vivants.

« Je n’ai jamais vu autant de morts, de blessés, de sang »

« Ce vendredi-là, il était 12 h 50. J’ai entendu un grand bruit. Je suis sorti pour voir ce qui se passait. J’ai aperçu un train qui allait à toute vitesse, raconte Franklin. Cinq secondes après, j’ai entendu un autre grand bruit à la gare. J’allais vers la gare mais j’ai entendu des pleurs et des cris, j’ai couru vers le ravin ». Ce jeune homme de 32 ans dit avoir transporté « au moins 50 morts, des enfants, des jeunes, des femmes, des nouveau-nés et une femme enceinte ».

« Il y avait au minimum 200 morts, jure-t-il. Depuis que je suis né, je n’ai jamais vu autant de morts, autant de blessés, autant de sang. Je ne parviens même plus à dormir ».

A l’Hôpital de district d’Eseka, où plus de 500 blessés avaient été transportés pour les premiers soins avant d’être acheminés dans des hôpitaux de Douala et Yaoundé, le sang a été nettoyé des gazons, des couloirs et des chambres. Mais, la pharmacie est restée désespérément vide.

« Hier (samedi), tous les corps qui se trouvaient à la morgue ont été amenés à Yaoundé, confie un infirmier. Mais, nous avons un problème. Nous avons vidé notre pharmacie pour soigner les blessés. Les 60 lits que comptait l’hôpital sont en mauvais état, ainsi que les deux brancards. Nous avons besoin d’aide pour soigner la population ».