Xi Jinping à Pékin, le 28 avril 2016. | Kenzaburo Fukuhara / AP

Loin des caméras, dans un hôtel pékinois ultra-surveillé, le 6e plénum du comité central du Parti communiste chinois (PCC), qui regroupe environ 400 membres, s’est ouvert lundi 24 octobre pour quatre jours de discussions internes. Elles pourraient refaçonner un peu plus la manière dont la Chine est dirigée sous le chef du parti, et président, Xi Jinping. Ce rendez-vous au sommet est le dernier avant le grand renouvellement du comité central et de ses instances dirigeantes, le bureau politique et son comité permanent, prévu dans un an, lors du 19e congrès.

Le 6e plénum ne traite pas de ces nouvelles accessions en 2017 au comité permanent, l’organe suprême à sept membres. En son sein, seuls le secrétaire général Xi Jinping et le premier ministre Li Keqiang sont susceptibles de renouveler leur mandat pour cinq années supplémentaires selon l’usage, puisqu’on ne peut en principe y demeurer au-delà de 68 ans. Mais il doit traiter de deux thèmes aux implications essentielles pour le 19e Congrès : les règles de gestion collective du parti – « certains critères de la vie politique interne au parti selon les nouvelles circonstances », dans le jargon communiste –, ainsi que les moyens de renforcer la supervision et la discipline de ce mastodonte de 88 millions de membres qui tient le pouvoir sans partage depuis 1949.

En 2015, le 5e plénum (session plénière) avait enfanté d’une mesure à même de frapper l’opinion publique : la réforme de la politique de l’enfant unique. Au 6e plénum, ce pourrait être l’obligation pour les dirigeants au niveau du comité central de divulguer leur patrimoine, celui de leurs proches parents, ainsi que la possession éventuelle par ces derniers d’un passeport ou statut de résident à l’étranger. « Cette mesure a déjà été proposée deux fois lors du dernier mandat de Hu Jintao, le prédécesseur de M. Xi. Elle avait été rejetée car la majeure partie du comité central était contre, pour des raisons évidentes [de corruption]. Cette fois, elle pourrait passer », estime l’expert hongkongais Willy Lam, spécialiste des arcanes de Zhongnanhai, le siège du pouvoir à Pékin. Elle serait, selon lui, une bonne indication de la détermination de Xi Jinping et de Wang Qishan, son chef de la lutte anticorruption, à nettoyer les écuries d’Augias.

« Xi a montré comme il est ambitieux »

La croisade de M. Wang, membre du comité permanent actuel et plus proche allié de M. Xi, est célébrée. La presse officielle a largement repris, lundi, le communiqué de la commission centrale d’inspection disciplinaire (CCDI), le bras anticorruption dirigé par Wang Qishan, selon lequel plus d’un million d’officiels ont fait l’objet d’une enquête pour corruption depuis que M. Xi est arrivé à la présidence du pays, en 2013. Huit officiels au niveau ministériel ont même été condamnés ces vingt derniers jours, se félicite le communiqué ; ils s’ajoutent à 34 autres depuis fin 2012.

Wang Qishan a fait de la CCDI une arme politique redoutable au service de Xi Jinping. Elle lui a permis de décimer des factions concurrentes au sein du parti et de faire taire les voix discordantes. Le 6e plénum pourrait ouvrir la voie à la prolongation du mandat du grand inquisiteur en chef du régime au sein du comité permanent, car Wang Qishan a eu 68 ans en juillet. Or, il se murmure depuis des mois à Pékin qu’il pourrait prendre la place du premier ministre Li Keqiang. Ce dernier resterait numéro deux du parti mais serait relégué à la présidence de l’assemblée nationale populaire. Li Zhanshu, l’équivalent du chef de cabinet de M. Xi, prendrait les rênes de la CCDI.

« Xi a montré ces quatre dernières années combien il était ambitieux dans sa quête du pouvoir, analyse Willy Lam. Il a déjà imposé des règles au sein du parti qui n’ont rien de scientifiques et sont particulièrement cyniques, comme l’interdiction de proférer des critiques sans fondement”, qui signifie que personne ne doit le critiquer lui-même et qu’il en est le seul juge. Les autres règles qui peuvent être adoptées auront pour principal objectif de consolider sa position comme nouveau timonier et grand patron du parti. Il pourrait ainsi faire abroger la règle des 68 ans maximum au comité permanent afin de permettre à Wang Qishan d’y rester. »

« Wang Qishan s’est fait trop d’ennemis »

Pour l’historien Zhang Lifan, retraité de l’Académie des sciences sociales et l’un des rares universitaires chinois à parler librement du régime, Wang Qishan ne peut pas prendre sa retraite. « Il s’est fait trop d’ennemis, a trop touché aux privilèges des diverses factions », dit-il.

Cette entorse au consensus post-maoïste sur l’âge du départ à la retraite des dirigeants pourrait à son tour conduire Xi Jinping à briguer un troisième mandat au-delà de 2022, date à laquelle il est censé quitter ses fonctions. Cette éventualité nourrit d’infinies spéculations dans les chancelleries et chez les sinologues, tant le nouvel homme fort chinois a déjà bousculé les usages au sein du dernier grand régime communiste de la planète.