Le projet Discovery d’AMD présentait, dès 2013, le même concept que la Switch de Nintendo. | AMD

Et si Nintendo s’était inspiré de la concurrence pour sa nouvelle console ? Prévue pour mars 2017, et annoncée jeudi 20 octobre, la Nintendo Switch se veut être une console hybride modulable, sous la forme d’une tablette portable, qui peut aussi bien envoyer un signal vidéo vers un téléviseur de salon qu’être utilisée en déplacements, avec deux petites manettes clipsées sur les côtés. Autant de fonctionnalités qui évoquent des produits qui, à défaut d’être très connus, sont, pour certains, déjà dans le commerce.

La Switch, une tablette tantôt sur station d’accueil pour y jouer sur TV, tantôt équipée de demi-manettes clipsables pour l’emporter. | Nintendo

Des précédents dès 2013

Basculer d’un usage fixe à un usage nomade, l’argument n’est pas nouveau. Il existe déjà depuis deux ans en informatique, avec les ordinateurs dits « hybrides ». Sous Windows 10, ils permettent même de brancher une manette Xbox One pour profiter du catalogue de la console de Microsoft – ou en tout cas des jeux compatibles.

Surtout, comme le relèvent Canard PC Hardware et 01net, le concept plus particulier d’une console hybride de salon et portable a même été présenté fin 2013 par le fabriquant de semi-conducteurs AMD. Baptisé « projet Discovery », il prenait la forme d’une tablette reliée tantôt à une station d’accueil, tantôt à un périphérique de contrôle de type manettes – exactement comme la Switch. La seule différence tient à son écosystème : la Discovery devait s’appareiller avec un ordinateur plutôt qu’avec un téléviseur.

AMD Project Discovery tablet with Mullins APU
Durée : 02:41

Expérimental, le projet Discovery n’a jamais vu le jour, au contraire d’autres appareils moins ambitieux, mais aux fonctionnalités comparables. A l’image de la Razor Edge Pro Tablet, qui à défaut de station d’accueil pour PC ou TV, intègre lui aussi une coque avec boutons intégrés et un clavier détachables. Et ce, depuis 2013.

La Razer Edge Pro Tablet propose déjà l’expérience modulable vantée par Nintendo avec la Switch - mais avec un écosystème orienté PC. | Razer

Plus déconcertant encore est le cas de la Morphus X300 3D, présentée en 2015 par le constructeur chinois Aikin. Cette tablette de jeu n’a pas non plus de dock d’accueil. On y retrouve en revanche les deux demi-manettes latérales à la fois déclipsables du corps de la machine et indépendantes l’une de l’autre, l’une des principales originalités de la Switch par rapport aux autres tablettes de jeu existantes.

Aikun Morphus X300 3D tablet - Nintendo Switch / Nintendo NX like portable console
Durée : 04:23

Nintendo a-t-il pu s’en inspirer ? Il semble évident que non : une nouvelle console demande plusieurs années de recherche et de développement, et sous le nom de code « NX », la Switch avait déjà été évoquée dès mars 2015 par le constructeur japonais. Il n’empêche, l’idée était dans l’air. Daniel Ahmad, spécialiste du marché chinois, relève même qu’elle circulait dès le début de la décennie.

« Cette image vient d’un magazine spécialisé chinois de 2011, qui y voyait le concept de la prochaine PlayStation Portable. Et après on dit que ce sont les Chinois qui copient tout ! »

Une tendance de fond de l’industrie

Sans aller jusqu’à parler de vol industriel – nul ne sait quels brevets Nintendo a déposé ou utilisé, ni si des accords d’exploitation ont été passés en coulisses – la coïncidence reste frappante. Elle révèle d’une manière générale une tendance de fond de l’industrie, qui se dirige vers une abolition des frontières entre les principales familles de périphériques de jeu (PC, console de salon, console portable, téléphone, tablette). Comme le relève Daniel Ahmad sur Twitter : « Il y a dix ans, nous avons vu Nintendo apporter une Révolution” [nom de code de la Wii] au jeu vidéo. La Switch me fait plus l’effet d’une évolution naturelle qu’une révolution. »

Celle-ci est liée à un double phénomène : l’explosion du marché des smartphones à grand écran et l’amélioration constante des performances des puces nomades. Une course à la puissance s’est engagée dès 2009. « Il y a eu une accélération ces dernières années. Il n’y a qu’à voir le nombre d’annonces sur les puces tout-en-un depuis trois ou quatre ans, ainsi que la communication sur la puissance de ces puces à chaque lancement d’un nouveau smartphone, détaille Stéphane Quentin, porte-parole de Nvidia France. Le lancement de nos [machines de jeux] Shield Portable, Shield Tablette, et Shield TV en est le témoignage. »

Nintendo le sait d’autant mieux que l’entreprise a justement choisi Nvidia, et ses puces développées pour sa gamme nomade, pour équiper sa console.

La Nvidia Shield embarque une puce Tegra. C’est une version évoluée de celle-ci qui équipera la Nintendo Switch. | Nvidia

Inspiration années 1980

La Switch ne sera donc ni la première machine hybride salon-portable ni la première à s’apparenter à une tablette aux manettes déclipsables. Il s’agira toutefois de la première machine à concilier les deux, et, qui sait, de la première à réussir à percer. Jusqu’à présent, toutes les autres tentatives sont restées, au mieux, des produits de niche.

Nintendo sera du reste le premier depuis longtemps à proposer d’utiliser des manettes détachables pour jouer à deux sur le même écran. Et ça, au moins, personne ne pourra le leur retirer : le Japonais le faisait déjà il y a trente ans sur certains jeux électroniques Game & Watch.

« Nintendo a toujours aimé expérimenter avec le jeu à plusieurs sur une même console. #NintendoSwitch. »

Communiquer sur son savoir-faire unique et son sens de l’innovation est, du reste, l’une des spécialités de la firme. Sa Nintendo DS s’est vendue à plus de 150 millions d’exemplaires dans le monde, en reprenant deux idées pourtant déjà existantes, le double écran rabattable des premiers Game & Watch de la firme, et l’écran tactile inauguré par l’obscure Game.com de Tiger Electronics, en 1997.