Un jeune garçon atteint du choléra, au centre de santé de Moron, en Haïti, le 12 octobre. | Jean-Marc Hervé Abelard/Kolektik 2D pour Le Monde

Philip Alston, le rapporteur indépendant de l’ONU sur les questions d’extrême pauvreté et des droits de l’homme, n’a pas mâché ses mots devant l’Assemblée générale. L’attitude de l’organisation, qui a refusé de reconnaître pendant six ans sa responsabilité dans l’épidémie de choléra à Haïti ? « Un désastre, dit-il, moralement condamnable, indéfendable du point de vue légal et contraire aux intérêts [de l’ONU]. » Il dénonce aussi « le voile de silence et la chape de plomb » imposés par le département des affaires juridiques de l’ONU et les Etats-Unis, un des plus gros contributeurs au budget onusien, qui auraient tous deux poussé l’organisation à nier sa culpabilité en vertu de l’immunité dont elle dispose. « Un scandale digne du Watergate, à mon avis », avance-t-il.

Pourtant, aucun doute ne subsiste quant au rôle joué par le bataillon népalais de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah) dans l’épi­démie de choléra – la première ­depuis cent cinquante ans dans l’île – qui a provoqué la mort de 9 300 Haïtiens et fait plus de 800 000 malades depuis 2010.

Responsable moralement mais pas légalement, l’ONU a donc annoncé, lundi 24 octobre, sa « nouvelle approche » vis-à-vis de cette crise du choléra avec la mise en place d’un fonds de compensation de 400 millions de dollars (367 millions d’euros) dont la moitié ira aux victimes et aux communautés touchées. Les 200 millions restants devront permettre des travaux d’assainissement.

« Profonds regrets »

Des questions restent en suspens : qui payera ? Les Etats membres se sont montrés très réticents. Et comment indemniser les victimes, puisqu’elles n’ont pas été enregistrées ? « Il va falloir trouver les listes, les vérifier, être aussi sûr que possible que ce sont des listes complètes », indique David Nabarro, conseiller spécial de l’ONU en charge des négociations avec le gouvernement haïtien, qui reconnaît la complexité de la tâche.

Le secrétaire général Ban Ki-moon doit présenter son plan d’éradication du choléra à l’Assemblée générale, début novembre. A quelques semaines de quitter son poste, osera-t-il aller plus loin que les « profonds regrets » exprimés ces derniers mois, et présentera-t-il des excuses officielles au nom de l’organisation ? Alors que Haïti enregistre une recrudescence alarmante de l’épidémie dans le sud du pays, ravagé il y a trois semaines par l’ouragan Matthew, certains osent encore l’espérer.