Gültan Kisanak et Firat Anli à Diyarbakir, le 10 avril 2015. | ILYAS AKENGIN / AFP

Gültan Kisanak et Firat Anli, les deux maires de Diyarbakir, la « capitale » kurde du sud-est de la Turquie, ont été interpellés, mardi 25 octobre, dans le cadre d’une enquête antiterroriste. Il s’agit des plus hautes personnalités du camp kurde placées en garde à vue depuis l’imposition de l’état d’urgence, après le coup d’Etat manqué du 15 juillet. Le parti HDP (pro-kurde), qui a cinquante-neuf élus au Parlement, a appelé ses militants à protester. Selon la parité en vigueur dans les partis pro-kurdes, Diyarbakir était dirigée conjointement par une femme et un homme.

La maire a été interpellée, mardi soir, à l’aéroport de Diyarbakir, alors qu’elle descendait de l’avion qui la ramenait d’Ankara. Son collègue a été arrêté chez lui, en ville. Selon l’AFP, plusieurs dizaines de policiers et des blindés légers ont été déployés, mardi soir, autour de la mairie où une perquisition était en cours. D’autres ont eu lieu aux domiciles des gardés à vue.

Militante de longue date de la cause kurde, Gültan Kisanak, 55 ans, a été détenue pendant quatre ans et demi à la prison locale, après le coup d’Etat militaire de 1980. Elle a raconté à plusieurs reprises y avoir été torturée et violée.

Vingt-quatre maires suspendus en septembre

Le parquet soupçonne les deux édiles d’avoir apporté un soutien idéologique ou matériel au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, interdit en Turquie) quand des combats violents ont commencé, à l’automne 2015, dans le quartier historique de Sur, à Diyarbakir, entre des jeunes, armés et entraînés par le PKK, et les forces d’Ankara. Les affrontements avaient duré plusieurs mois, faisant des centaines de morts.

En septembre, vingt-quatre maires accusés de liens avec le PKK ont été suspendus de leurs fonctions et remplacés par des administrateurs proches de l’AKP, le parti islamo-conservateur au pouvoir depuis 2002. Aydin Mustu, l’un des administrateurs désignés par le gouvernement pour gérer un quartier de la ville de Van (Est), a été tué par balles le 16 octobre. L’acte n’a pas été revendiqué. Un autre cadre de l’AKP, Deryan Aktert, qui dirigeait la représentation du parti dans le district de Dicle, à Diyarbakir, avait subi le même sort cinq jours plus tôt, un assassinat revendiqué par le PKK. En guerre depuis 1984 contre l’Etat turc, au prix de 40 000 morts, le PKK a relancé son offensive à l’été 2015, après la rupture d’un cessez-le-feu qui a tenu deux ans.