Le Panama change. C’est l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui le dit, par la voix de Pascal Saint-Amans, directeur du centre de politique et d’administration fiscales de l’organisme. « Signer cette convention multilatérale, c’est s’engager juridiquement à échanger des renseignements, conformément au standard, avec plus de cent pays, dont tous les pays de l’OCDE, du G20 [groupe des 20 pays les plus riches] et beaucoup de pays en voie de développement », déclare l’expert.

Pendant longtemps, Panama avait refusé cette approche. Il s’agit donc, de l’avis de M. Saint-Amans, « d’un important changement de politique, qui ouvre la voie à une vraie coopération avec tous les pays intéressés ». D’autant que la convention multilatérale peut aussi être utilisée pour effectuer de l’échange automatique de renseignements, ce nouveau standard de l’OCDE destiné à améliorer l’efficacité de la lutte contre la grande fraude fiscale.

L’ouverture de Panama à la coopération marque une rupture, que le pays devra toutefois concrétiser dans les faits en montrant qu’il applique bel et bien son engagement écrit à coopérer. Les progrès escomptés sont considérables. Car, poursuit le spécialiste de l’OCDE, « jusque très récemment, Panama était mauvais en matière de transparence ».

Le centre financier panaméen ne satisfaisait ainsi à aucun des critères requis par l’organisation internationale, mandatée par le G20 sur les questions de fraude et d’évasion fiscales : « L’information sur les bénéficiaires effectifs ou les comptes des structures offshore n’était ni disponible ni accessible, et le réseau d’échange de renseignements était très réduit. »

« Des progrès récents »

Pour ces raisons, et bien que les lois soient en train d’être modifiées à l’initiative du président de centre-droit Juan Carlos Varela – pour obliger banques et cabinets d’avocats à obtenir et transmettre ces informations –, le Panama devrait écoper, début novembre, d’une mauvaise notation de la part du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales, cette entité adossée à l’OCDE chargée d’un travail d’évaluation des pays par leurs pairs.

« Ceci va conduire très prochainement le Forum mondial à considérer que Panama n’est pas conforme au standard », annonce au Monde M. Saint-Amans. Qui nuance aussitôt : « Mais c’est une photo du passé. Les progrès récents, l’adoption de lois comblant les trous dans la législation sur la transparence, la signature de la convention modifient la donne. C’est cette photo du présent et de l’avenir qu’il faut regarder. Panama est en train de changer radicalement. On ne peut que s’en féliciter. Très vite, il faudra revoir la notation pour refléter cette nouvelle situation. »

Parmi les efforts à accomplir, Panama devra démontrer qu’il échange effectivement ses informations. Là aussi, l’OCDE travaille déjà avec le pays, afin de mettre en place les systèmes pour que l’échange automatique entre en vigueur dès 2018. Beaucoup reste à faire. Et l’OCDE attend de Panama qu’il ne soit pas restrictif dans la liste des Etats avec lesquels il acceptera d’échanger automatiquement ses informations.

La normalisation de Panama s’ajoute à celle, récente, de nombreuses places fortes du secret bancaire. Tous les pays ont désormais pris l’engagement d’échanger les informations financières automatiquement dès 2018. La plupart ont signé la convention multilatérale, à l’exception des Bahamas et des Emirats arabes unis. Peu de pays ont une mauvaise notation du Forum mondial.

« On a maintenant une approche convergente de toutes les places financières. Au fond, cela assure qu’il ne sera plus possible aux contribuables de cacher leur fortune sans passer par des circuits criminels, conclut M. Saint-Amans. Les Etats seront en mesure de collecter les impôts dus et de s’assurer que chacun contribue à l’effort collectif… Une mesure de justice fiscale ! »