Le président ivoirien, Alassane Ouattara, lors d’un rassemblement en faveur du oui au référendum sur la nouvelle Constitution, le 22 octobre à Abidjan. | ISSOUF SANOGO / AFP

Cette nouvelle Constitution, Alassane Ouattara la conçoit comme son testament politique. Un texte qui permettra, selon lui, de « tourner définitivement la page des crises successives » traversées par son pays depuis le milieu des années 1990 et la mort de son premier président, Félix Houphouët-Boigny. « La Constitution, c’est la garantie, une assurance-vie pour la paix », a martelé le chef de l’Etat ivoirien devant ses militants, les enjoignant de voter massivement pour l’avènement d’une troisième république, promise à la veille de sa réélection en 2015. Son adoption est une formalité, l’opposition ayant appelé à boycotter le référendum prévu dimanche 30 octobre.

Depuis deux décennies, la Côte d’Ivoire a vécu une crise de succession entre ses trois principaux chefs politiques – Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié – qui s’est muée en une crise identitaire forgée sur un concept : l’ivoirité. Cette variante de « la préférence nationale » dans un pays où le quart de la population est étranger aura servi à marginaliser les immigrés venus de toute l’Afrique de l’Ouest, mais aussi les communautés du nord de la Côte d’Ivoire. L’actuel président en fut la première victime politique, empêché de se présenter aux élections de 1995 et de 2000 pour cause de « nationalité douteuse ».

« Pas de garde-fou »

En cas d’adoption de la nouvelle Constitution, un futur candidat à la présidentielle devra être « exclusivement de nationalité ivoirienne, né de père ou de mère ivoirien d’origine ». Exit donc, le très polémique article 35 de l’actuelle Loi fondamentale qui stipule que les ascendants de celui-ci doivent être tous deux ivoiriens d’origine. « Tant que des dispositions scélérates sont encore en vigueur, nous ne pouvons pas nous ancrer dans la modernité. Cette nouvelle Constitution sera un catalyseur de la réconciliation, le socle sur lequel la Côte d’Ivoire va se débarrasser de ses problèmes identitaires », prophétise le ministre Ally Coulibaly.

Autres évolutions majeures voulues par Alassane Ouattara, le véritable concepteur de ce texte préparé par un comité d’experts : l’apparition d’un poste de vice-président, chargé de suppléer le chef de l’Etat en cas de vacance du pouvoir, et la création d’un Sénat dont le tiers des membres sera nommé par le président.

« Il n’y a rien de scandaleux à ces réformes. Les grands principes démocratiques sont réaffirmés avec notamment la limitation du nombre de mandats, analyse le politologue Gilles Yabi, fondateur du think tank Wathi. Cependant, ce texte ne touche pas aux défaillances institutionnelles comme la nomination du président du Conseil constitutionnel [chargé de proclamer les résultats des élections] par le chef de l’Etat. On aurait pu s’attendre à un rééquilibrage des pouvoirs, or, désormais, tout l’exécutif sera concentré sur trois têtes : le président, le vice-président et le premier ministre. On a donc l’impression d’un projet conçu pour M. Ouattara, mais qui ne comporte pas de garde-fou pour l’avenir. » Le pouvoir ivoirien est également critiqué pour son manque de concertation avec la population et les acteurs politiques du pays dans la rédaction du projet.

« Acte de trahison »

L’opposition, scindée schématiquement en deux depuis le transfert de Laurent Gbagbo devant la Cour pénale internationale, s’est saisie de ce référendum pour retrouver un peu d’unité. Appelant à un boycott du vote de dimanche, elle dénonce, à l’instar de Pascal Affi Nguessan, le président du Front populaire ivoirien, « un acte de trahison, car le président de la République n’avait pas le droit d’abroger la Constitution actuelle. Pour Alassane Ouattara, la seule justification à cette forfaiture est le verrouillage de sa succession et la mainmise de son clan sur le pouvoir ».

Le pouvoir ivoirien ne ménage pas ses détracteurs. Plusieurs leaders de l’opposition ont été brièvement arrêtés le 20 octobre alors qu’ils entendaient organiser une marche à Abidjan. Mais les dérapages de certains opposants peuvent faire frémir. « L’heure est arrivée de mettre fin à la vie des apatrides », a lancé lors d’une réunion une ex-députée proche de Laurent Gbagbo. Une démonstration que la crise politique mais aussi identitaire n’est pas encore soldée en Côte d’Ivoire