Thomas Bach, président du Comité international olympique, lors des Jeux de Rio. | ROBERTO SCHMIDT / AFP

Le Comité international olympique (CIO) a une foi inébranlable en l’athlète : lors des Jeux olympiques de Rio, en août, son programme antidopage était si mal organisé qu’il fallait avoir l’éthique chevillée au corps pour ne pas céder à la tentation.

Le rapport des observateurs dépêchés au Brésil par l’Agence mondiale antidopage (AMA) – elle-même en guerre contre le CIO – dresse un sombre tableau et laisse comprendre qu’il était très aisé d’échapper aux contrôles sur place.

Le CIO est content

Dans un communiqué publié vendredi 28 octobre, le Comité international olympique (CIO) reconnaît que le programme antidopage à Rio de Janeiro a dû « surmonter quelques défis, tels que le manque de moyens et de bénévoles et personnels expérimentés ».

Mais Richard Budgett, directeur médical du CIO, estime que « le rapport des observateurs indépendants montre que les Jeux olympiques ont été un succès, y compris pour ce qui est du programme antidopage ».

La lecture de ce rapport (disponible ici en anglais), souvent fastidieuse, recèle quelques perles. Heureusement, nous sommes allés les pêcher pour vous.

71,38 %

C’est la proportion d’athlètes n’ayant jamais été contrôlés au cours des Jeux. Une part qui n’affole pas les observateurs, étant donné que la mode est désormais à la qualité plutôt qu’à la quantité.

5

Les cinq premiers de chaque épreuve devaient impérativement être contrôlés. Cette disposition avait pour but de prévoir les cas où une médaille devait être réattributée à la suite d’une disqualification pour dopage. Mais cela n’a été fait que dans les sports les plus à risque, et encore, pas pour chaque épreuve.

0

C’est le nombre de test hors compétition (entre les matchs) dans les deux tournois de football.

4 125

C’est le nombre d’athlètes inscrits aux JO qui, à quelques jours de la cérémonie d’ouverture, n’avaient pas été contrôlés une seule fois depuis le début de l’année (plus d’un tiers des participants). Parmi eux, 1 913 étaient engagés dans l’un des dix sports où le risque de dopage est le plus important. Ce chiffre met en exergue les différences de traitement entre athlètes. A titre d’exemple, les sportifs français présents aux Jeux de Rio ont tous été contrôlés au moins une fois en 2016 avant d’arriver au Brésil.

Il faut relire ce chiffre pour en saisir la portée : près de 2 000 athlètes pratiquant les sports les plus touchés par le dopage n’ont pas été contrôlés dans les sept mois précédant les Jeux.

453

C’est le nombre de chaperons (ou escortes) recrutés dans le cadre des Jeux de Rio. Mais beaucoup ont quitté leur poste en cours de compétition. Ces petites mains de l’antidopage ont un rôle est essentiel, puisque ce sont elles qui conduisent les sportifs vers l’agent de contrôle du dopage, afin que les tests puissent être faits. Mais les observateurs indépendants de l’AMA soulignent que ces chaperons sont loin d’être assez formés. « Dix sessions d’entraînement ont été organisées, à Rio et Sao Paulo. Cependant, assister à ces sessions n’était pas obligatoire », est-il noté dans le rapport. Les formations, de toute façon, ne sont pas satisfaisantes et n’incluent « pas d’évaluation pratique ».

Ces chaperons, qui « souvent ne parlaient pas ou peu anglais », étaient souvent inexpérimentés. « Durant les Jeux, des tests ont été compromis à de nombreuses reprises car un nombre significatif de chaperons ne se sont pas présentés, ou se sont présentés avec beaucoup de retard. Cela signifie qu’il n’y avait pas assez de chaperons pour informer et escorter les athlètes qui devaient être testés, et (…) des tests prévus ont dû être annulés. »

Conséquence de leur manque d’expérience et de formation, certains chaperons perdaient de vue l’athlète entre la notification de son contrôle et son test au poste de contrôle antidopage – ce qui est précisément leur mission.

En plus d’une surcharge de travail, de la mauvaise organisation et d’un manque de formation, ils n’étaient pas vraiment bien traités. Un exemple, parmi d’autres, du peu de considération à leur égard : le rapport note « l’échec à leur fournir des tickets repas en nombre suffisant après de longues journées de travail ».

50 %

Certains jours, plus de la moitié des tests inopinés prévus au village olympique ont été annulés car les chaperons n’arrivaient pas à trouver les athlètes. Dans le système de localisation Adams, beaucoup de sportifs ont renseigné « village olympique », sans plus de précision. Des chaperons se sont ainsi retrouvés à errer dans le gigantesque complexe composé de 31 tours, un peu perdus. Les comités olympiques nationaux devaient normalement fournir les numéros de chambre des sportifs, mais beaucoup ne l’ont pas fait, et n’ont pas été sanctionnés.

30 %

Près d’un tiers des échantillons qui sont arrivés au laboratoire de Rio étaient non conformes. La plupart du temps, cela s’explique par des erreurs du personnel antidopage : des documents mal remplis, des échantillons sanguins dans des tubes inadéquats ou ne contenant pas assez de sang, etc. « Cela a créé un boulet administratif pour le laboratoire de Rio et pour Rio 2016, qui ont dû rectifier ces non-conformités quotidiennement », notent les auteurs du rapport. A titre de comparaison, lors des Jeux de Londres, seulement 10 % des échantillons arrivés au labo étaient non conformes.

10

C’est le nombre de contrôleurs sanguins ayant travaillé lors de ces Jeux, contre 25 prévus. Les restrictions budgétaires ont fait capoter les belles intentions. « Un jour, au poste de contrôle antidopage du village olympique, seulement deux contrôleurs sanguins étaient présents, pour assurer 94 tests sanguins prévus, peut-on lire dans le rapport. Des athlètes ont dû attendre un temps déraisonnablement long après avoir fourni leurs échantillons d’urines pour qu’un contrôleur sanguin ne soit disponible. Une autre fois, il n’y avait pas de contrôleur sanguin au village olympique. Les tests sanguins ont dû être annulés. »

Autre conséquence : dans plusieurs des disciplines les plus à risque, y compris l’haltérophilie, gangrenée par le dopage, aucun contrôle sanguin n’a été pratiqué.

Certains jours, le laboratoire de Rio n’avait presque aucun échantillon sanguin à analyser, alors qu’il était doté d’équipements dernier cri et renforcé par les meilleurs experts mondiaux.

Moins de 15 %

C’est la part d’échantillons dans lesquels les agents stimulateurs d’érythropoïèse (comme l’EPO) ont été recherchés en aviron, boxe et natation longue distance, alors qu’il s’agit de disciplines jugées à risque. Dans ces sports, la barre des 15 % est un minimum exigé par l’AMA. Elle a été respectée dans les autres sports à risque. Par ailleurs, dans d’autres sports où cette limite est à 10 %, aucune recherche de l’EPO n’a été effectuée (notamment en ce qui concerne le tennis, le basket et le football).

52

C’est le nombre d’autorisations d’usage à des fins thérapeutiques (AUT) accordées pendant les Jeux par un comité d’experts nommés par le CIO. Aucune demande d’AUT n’a été refusée, et 44 de ces AUT ont été approuvées de façon rétroactive, après l’administration du traitement.

Les AUT ont fait irruption dans l’actualité sportive avec la révélation par les pirates informatiques Fancy Bears de centaines d’AUT accordées ces dernières années à des athlètes participant aux Jeux de Rio.

16

C’est le nombre d’échantillons revenus positifs durant les Jeux olympiques de Rio, dont certains concernaient le ou la même sportive. Cinq échantillons positifs étaient couverts par une AUT.

6

C’est le nombre de contrôles subis pendant les Jeux par un athlète dont le nom est tenu secret. Il s’agit très probablement de Michael Phelps, sextuple médaillé à Rio. Quatre-vingt-dix-neuf sportifs ont été contrôlés chacun au moins trois fois à Rio.