François Fillon le 27 octobre 2016 sur France 2. | ERIC FEFERBERG / AFP

François Fillon, candidat à la primaire de la droite, a dit jeudi que les augmentations d’impôts décidées quand il était Premier ministre n’étaient « pas ce dont (il était) le plus fier », regrettant de ne pas avoir en parallèle « augmenté le temps de travail ».

« C’est pas ce dont je suis le plus fier. Nous étions dans une situation de crise financière extrême, nous avons dû affronter la crise de 2010-2011 », a déclaré M. Fillon, qui était interrogé sur France 2 sur les augmentations d’impôts sur le capital et l’épargne mises en oeuvre durant le quinquennat de M. Sarkozy.

Pour l’ancien Premier ministre, « il y avait plusieurs solutions pour réagir. J’en avais proposé une au président de la République (Nicolas Sarkozy): ’certes, on va augmenter un certain nombre d’impôts car c’est nécessaire par rapport à la situation financière et la crédibilité. En échange, je veux une mesure de compétitivité. Je veux qu’on augmente le temps de travail, d’une heure, deux heures’ », a raconté l’ancien locataire de Matignon.

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Nicolas Sarkozy « a décidé que c’était pas possible pour des raisons politiques et électorales. On a choisi ensemble, car j’assume toutes les décisions prises, on a opté pour une accélération de la mise en oeuvre de la réforme des retraites, bah je pense qu’on aurait dû augmenter le temps de travail, ça aurait permis d’augmenter un peu moins les impôts et d’améliorer la compétitivité » a encore estimé M. Fillon.

Il avait auparavant, en matière d’économie, vilipendé « les solutions proposées par (ses) concurrents (qui) ne mènent nulle part ».

« On a trop attendu de pratiquer un choc relatif, pour redonner psychologiquement aux Français l’envie de se défoncer, travailler, gagner de l’argent. Le projet que je propose est le seul de nature à provoquer ce choc » a-t-il souligné, lui que ses adversaires à la primaire caricaturent souvent en Margaret Thatcher, ultra-libérale Première ministre britannique des années 1980 au surnom de « dame de fer ».

« Je demande aux Français de travailler un peu plus », a-t-il encore dit.

Confrontation avec les Etats-Unis

François Fillon a également prôné une « confrontation sérieuse avec les Etats-Unis sur les conditions de nos alliances », mais aussi avec la Russie, pour que la France « défende ses intérêts » en politique étrangère.

Interrogé sur l’attitude qu’il aurait s’il était élu face à une Hillary Clinton qui serait présidente des Etats-Unis, M. Fillon a répondu : « Quel que soit le président élu aux Etats-Unis, il va falloir une confrontation sérieuse avec les Etats-Unis sur les conditions de nos alliances. Avec la Russie aussi ? « Bien sûr ! », a répondu l’ancien locataire de Matignon.

Pour lui, « les intérêts de la France sont menacés aujourd’hui par les incursions de la justice américaine dans notre économie ». Il y a, d’après le député de Paris, « beaucoup de contentieux avec les Etats-Unis, pas seulement sur la politique étrangère. Il y a des contentieux économiques considérables. » « Les Etats-Unis exercent une forme de contrôle de l’économie européenne absolument insupportable, contraire au droit international et à la morale internationale », a-t-il ajouté.

Mais pour lui, les intérêts de la France sont aussi « menacés par l’instabilité de la Russie ». « La question c’est comment les résoudre ? En discutant avec les Russes ou en montrant les muscles, en allant vers une confrontation armée avec la Russie ? » s’est-il interrogé.

Russophile

Lui qui est souvent qualifié de russophile dans la primaire de la droite a détaillé sa realpolitik à l’égard du pays de Vladimir Poutine : « On sait que la Russie n’est pas une démocratie, on sait que la Russie est un régime instable et dangereux. La question posée c’est  ’est-ce qu’on doit continuer à provoquer les Russes, à refuser toute espèce de dialogue avec eux en les poussant à être de plus en plus violents, agressifs, et de moins en moins européens ?’ ».

Il s’est dit à nouveau favorable à une levée des sanctions européennes à l’égard de la Russie, opposé à une reconnaissance de l’annexion russe de la Crimée, et a regretté l’annulation de la vente des navires Mistral à Moscou.

A l’évocation de « crimes de guerre » à Alep, en Syrie, il a répondu « attention au vocabulaire ». « Je ne sais pas, je ne suis pas sur place », a-t-il dit.

Colonisation

Enfin, il a dit son « refus de la repentance », alors qu’il était accusé de « racisme » et d’« apologie de crime contre l’humanité » par le syndicaliste guadeloupéen Elie Domota.

M. Domota faisait référence au discours de rentrée donné le 28 août à Sablé-sur-Sarthe par l’ancien Premier ministre, où il affirmait notamment que « non, la France n’est pas coupable d’avoir voulu faire partager sa culture aux peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du nord » et « non, la France n’a pas inventé l’esclavage. »

Elie Domota, tête d’affiche de la grave crise sociale en 2009 en Guadeloupe en tant que porte-parole du LKP, collectif « kont pwofitasyon » (contre l’exploitation outrancière), a accusé lors de l’Emission politique sur France 2 M. Fillon de tenir des « propos racistes » et de faire une « apologie de crime contre l’humanité ».

M. Fillon a rejeté ces accusations « parfaitement scandaleuses. Je le conteste avec la plus extrême énergie ».

Refus de la repentance

Il a vanté son « refus de la repentance, je ne changerai pas d’avis. L’histoire de France, c’est l’histoire de France, elle correspond à des époques, à des moeurs, elle s’inscrit dans une histoire de l’humanité », a-t-il dit, tout en reconnaissant que « bien sûr que l’esclavage est un crime, bien sûr que la colonisation aujourd’hui, avec les critères qui sont les nôtres, est un crime ».

Mais pour lui, « la colonisation a été le fait de tous les peuples de la terre... grecque, romaine, nous-mêmes nous avons été colonisés. L’esclavage n’a pas été l’apanage de la France. L’esclavage a été le fait de toutes les sociétés, y compris des sociétés africaines », a-t-il précisé.

« Je n’accepte pas qu’on fasse porter à notre pays cette responsabilité. Je ne l’accepte pas. Quand je me retourne derrière moi, je suis français, je vois des générations de paysans basques et vendéens qui n’ont pas à faire repentance pour des faits correspondant à des situations dans des sociétés données », a insisté M. Fillon.

Dans un échange confus, M. Domota, en duplex de Guadeloupe, lui a répondu: « On n’a aucune repentance à vous demander. Vous qui brandissez sans cesse les valeurs de la République, liberté, égalité, fraternité, est-ce que vous êtes prêts (...) à restituer les terres qui ont été acquises de manière criminelle » dans les territoires d’outremer ?

L’ancien locataire de Matignon de répondre : « La réponse est non. C’est justement ce que je ne veux pas. Je ne veux pas qu’on fasse porter cette responsabilité à l’État d’aujourd’hui, aux Français d’aujourd’hui ».