Pour : c’est un rêve éveillé

Si toi aussi tu as rêvé d’être Batman, opte plutôt pour le casque VR. | Playstation

On en rêvait, le jeu vidéo l’a (enfin) fait. Ne plus jouer à un simulateur d’avion de chasse, mais piloter un avion de chasse. Ne plus diriger un Batman de cinq centimètres de haut sur l’écran du téléviseur, mais être Batman, le vrai, et s’écrier : « Je suis la justice ! », seul dans son salon. Casque de réalité virtuelle sur les yeux et les oreilles, on se retrouve projeté dans un décor à 360 degrés.

Oubliés, les murs de son appartement, la grisaille du quotidien et les coups de marteau intempestifs du voisin du dessus. Perdu dans l’espace ou au fond d’une grotte sous-marine, on en revient à l’essence du jeu vidéo : l’immersion dans un monde de pixels où l’on peut être tout ce qu’on ne peut – ou n’ose – être dans la vie : superhéros, pilote de course, soldat d’élite, astronaute…

Tout n’est pas forcément plus beau en réalité virtuelle, mais les expériences y sont plus fortes. On y renoue avec des sensations primales – la peur, l’émerveillement – que bien peu de jeux en 2D peuvent faire éprouver avec une telle intensité. On en ressort parfois un peu secoué, mais heureux. On appelle ça l’« effet wahou », et ce n’est pas une figure de style : difficile de réprimer une onomatopée laudative lorsqu’on essaie pour la première fois.

La réalité virtuelle, c’est un peu le futur qu’on nous avait promis : pouvoir entrer dans l’écran, dans des mondes infinis, quelque part entre Tron et Matrix. C’est toute la beauté d’une technologie qui, pour reprendre l’expression de l’auteur de science-fiction Arthur C. Clarke, est enfin « suffisamment avancée [pour être] indiscernable de la magie ». Bien sûr, personne n’est dupe : on n’oublie jamais vraiment qu’on a les pieds sur le plancher ou les fesses sur le canapé. Mais, comme dans un tour d’illusionniste, ce n’est pas parce qu’on sait qu’il y a un truc que cela empêche de profiter du spectacle.

Contre : c’est la nausée assurée

Pourquoi les fous se frappent-ils la tête contre les murs ? Parce que cela fait du bien quand ça s’arrête. Il en va de même avec la réalité virtuelle : il existe un réel plaisir, proche de l’ivresse de la délivrance, lorsque l’on retire cette inanité de casque de sa tête.

Entendons-nous bien : il y a mille raisons de vouloir se plonger dans des univers fictifs. Mais pourquoi de cette manière ? Pourquoi se coiffer d’un serre-tête lourd, moche et grossier, qui pèse sur la nuque et donne des faux airs de Daft Punk ? Pourquoi s’imposer cette occlusion visuelle totale qui, sous couvert d’immersion dans un jeu, invite à se cogner au portemanteau ? Et pourquoi diable aller pousser son cerveau dans des retranchements absurdes, à le convaincre qu’il a la tête en bas quand vous êtes assis sur un fauteuil ?

Votre oreille interne n’est pas née de la dernière pluie. Elle sait quand on lui ment et, en général, elle sait envoyer un message assez fort pour vous rappeler à l’ordre : nausées, maux de tête, vomissements. Quoi qu’en disent les technophiles, le rendu visuel de la réalité virtuelle importe peu lorsqu’il s’accompagne d’un rendu tout court.

Inconfort, isolement, claustrophobie, voire hauts le cœur… Le nouveau gadget fétiche de la Silicon Valley est aussi sexy qu’un rendez-vous chez le dentiste, et il faudra des trésors de communication et de publicité pour réussir à faire gober au quidam tout l’intérêt qu’il a à dépenser 500 euros pour faire ce qu’il pourrait tout aussi bien réaliser avec un seul doigt au fond de la gorge.

Il reste certes le maigre espoir que le cerveau s’habitue, que la technologie progresse, que les produits s’affinent. La réalité virtuelle, aujourd’hui, est aussi agréable que de se frapper la tête avec une enclume, mais, demain, ce sera un oreiller de plaisir et d’envol, promettent les industriels. Bof. Après plusieurs heures de torture mentale, et d’expériences même pas folichonnes, on n’espère qu’une chose : que la Silicon Valley passe à une nouvelle lubie, de préférence moins absurde.