• Jean Muller
    Reflets et symétrie

    Œuvres de Johannes Brahms, György Ligeti, Ivan Boumans et Serge Prokofiev. Jean Muller (piano)

Pochette de l’album « Reflets et symétrie », de Jean Muller. | SOUPIR EDITIONS/SOCADISC

Jean Muller, Luxembourgeois de 36 ans, est inconnu au bataillon des pianistes de renom mais capable d’en remontrer aux plus grands, dans la cavalerie virtuose comme dans la progression tactique. Sans parler du camouflage esthétique, qui culmine dans ce disque impressionnant avec la Sonate n° 6, de Prokofiev, la première des trois dites « de guerre ». Mise en abyme des œuvres, jeu réfléchi, vertige garanti. Tout commence avec la bipolarité du jeune Brahms dans une Sonate n° 1 qui regarde autant vers Beethoven que vers Schumann. Timbre rayonnant et articulation lumineuse au service d’une approche prismatique : telle est la marque de Jean Muller. Deux puissantes Etudes de György Ligeti (n° 5, « Arc-en-ciel », et n° 13, « L’Escalier du diable ») et une Barcarolle très sensuelle (n° 3, entre jazz et impressionnisme français) d’Ivan Boumans (Luxembourgeois né à Madrid en 1983) préparent idéalement le terrain à une prodigieuse interprétation de « la 6e » de Prokofiev. En véritable parfumeur des sons, Jean Muller laisse filtrer chaque composante avec un juste dosage sans jamais altérer la sensation d’un ensemble à la fusion parfaite. Pierre Gervasoni

1 CD Soupir Editions/Socadisc.

  • Orkesta Mendoza
    ¡ Vamos a Guarachar !

Pochette de l’album « ¡ Vamos a Guarachar !», de l’Orkesta Mendoza. | GLITTERBEAT RECORDS/DIFFER-ANT

« Vamos a guarachar », chantait Celia Cruz, reine défunte (2003) de la salsa, dans les années 1950, avec la Sonora Matancera. Soixante ans plus tard, cette injonction déterminée, invitant à danser et laisser le bon temps rouler, est choisie pour nommer son album par Sergio Mendoza, leader du tonique Orkesta Mendoza. Multi-instrumentiste (repéré au sein de Calexico, excellent groupe surgi du côté de Tucson, en Arizona, à la fin des années 1990), Mendoza ne reprend pas le titre immortalisé par « la » Celia, mais il cuisine, avec sa bande d’excités et les invités (dont le chanteur mexicain Salvador Duran, Joey Burns et John Convertino, le tandem créateur de Calexico), des stimulations à danser tout aussi probantes. Son cocktail brasse avec efficacité et d’astucieuses trouvailles sonores cumbia, mambo, rock tex-mex, surf music, une pincée d’électro, trompettes mariachis et boléro (seul moment calme de l’album, romantisme du genre oblige). Patrick Labesse

1 CD Glitterbeat Records/Differ-Ant.

  • Patrice
    Life’s Blood

Pochette de l’album « Life’s Blood », de Patrice. | BECAUSE

Pas facile de se renouveler dans une musique aussi codée que le reggae. Pourtant, à chaque album, le chanteur allemand Patrice y arrive avec plus ou moins de bonheur. Dès le début de sa carrière, le fils de l’écrivain sierra-léonais Gaston Bart-Williams surnomme déjà sa musique le « sweggay », mélange de reggae, de soul, de blues et de hip-hop. Mais la musique jamaïcaine reste son influence principale. A cet égard, le premier titre de ce septième album, Burning Bridges, a été enregistré en Jamaïque avec la section de cuivres du grand Dean Fraser, mais a été mixé à Berlin par le gourou de la dance actuelle, l’Américain Diplo. Pendant tout l’album, le chanteur varie les registres entre un piano-voix pour Be with Me, ou un dub mélancolique, Red or Blue mais s’égare sur un Island, dont le groove ne prend pas entre une biguine et un rythme faussement électro ; même sentiment pour la reprise de Louis Armstrong, What a Wonderful World, qui fait claquer des coups de feu sur le célèbre refrain du trompettiste. On lui préfère ses tendres sérénades, Still Wonderful ou But You/Imagining. Stéphanie Binet

1 CD Because.

  • Miles Davis Quintet
    Freedom Jazz Dance – The Bootleg Series Vol. 5

Pochette du coffret « Freedom Jazz Dance – The Bootleg Series vol. 5 », du Miles Davis Quintet. | COLUMBIA RECORDS-LEGACY/SONY MUSIC

Depuis 2011, des archives de concerts de Miles Davis (1926-1991) ont été publiées dans des coffrets sous l’intitulé générique The Bootleg Series, par Columbia Records, maison de disques qui a accompagné une grande partie de la carrière du trompettiste. Freedom Jazz Dance, cinquième volume de la collection, vient rompre cette thématique avec la publication de séances en studio, celles qui ont abouti à l’album Miles Smiles (janvier 1967). On trouvera donc ici, outre les prises gardées pour l’album et déjà publiées, les essais enregistrés les 24 et 25 octobre 1966 par Miles Davis avec Wayne Shorter au saxophone, Herbie Hancock au piano, Ron Carter à la contrebasse et Tony Williams à la batterie. Six compositions en train de se construire vers un tempo idéal ; des parties d’ensemble, des interventions solistes, au service d’un allant collectif. Pour constituer un coffret de 3 CD, des extraits d’autres séances à l’été 1967 ont été ajoutés. Sans rapport avec Miles Smiles, mais à un haut degré d’accomplissement musical. Sylvain Siclier

3 CD Columbia Records-Legacy/Sony Music.

  • Weyes Blood
    Front Row Seat To Earth

Pochette de l’album « Front Row Seat To Earth », de Weyes Blood. | MEXICAN SUMMER/RED ESSENTIAL

Deuxième album, sous le pseudonyme de Weyes Blood, de la Californienne Natalie Mering, Front Row Seat To Earth déploie ses subtilités et finesses le temps, trop court, de neuf chansons. Proche vocalement du timbre de Joan Baez, Natalie Mering, par le lyrisme de son chant et l’expressivité musicale de ce disque, devrait provoquer un indéniable état d’envoûtement chez tout auditeur. Son précédent disque, The Innocents (2014), oscillait entre aridité folk, avec des empilements vocaux, et quelques élans plus énergiques, avec, par moments, un rien de théâtralité inutile. Front Row Seat to Earth est dans son ensemble plus proche de la pop (Diary, Used to Be, Do You Need My Love, pas loin de la période psychédélique des Beatles, Seven Words…), avec des mélodies fluides et directes, des arrangements orchestraux où s’entremêlent des sons de harpe, d’orgue, de piano, d’ensemble de cordes, de guitares et, parfois, le soutien d’une rythmique. S. Si.

1 CD Mexican Summer/Red Essential.

  • Pone
    Radiant

Pochette de l’album « Radiant », de Pone. | PONAR

DJ Pone officie dans la culture hip-hop et les musiques électroniques depuis une vingtaine d’années. Il a été un des champions français de scratch, un des membres fondateurs du collectif Birdy Nam Nam, et même le DJ officiel de groupes aussi variés que les purs et durs Scred Connexion ou les punks rappeurs de Svinkels. Il y a deux ans, on le découvrait producteur de musiques électroniques sur le projet Sarh, en compagnie du chanteur de Stuck in the Sound, José Reis Fontao. Un début prometteur pour le DJ qui, pour son premier solo, laisse tomber l’abréviation de son premier métier. Pone a décidé de répondre à l’agressivité ambiante en proposant une musique planante qu’il a mise au point en s’aidant d’un membre de la nouvelle génération de l’électro, Superpoze. Heart Swing, Slow Motion, Ingenue sont d’autant de morceaux qui prennent aux tripes sans rendre pour autant bêtement mélancoliques. Seul morceau où Pone ne peut s’empêcher d’envoyer du très gros son quand il évoque son passé de taggeur : Mad Boys, introduit par une ambiance typique du métro parisien. Ce titre ainsi que M.F.C puisent avec subtilité dans sa culture hip-hop, avec un sample respectivement de Black Moon et de Mobb Deep. Après vingt ans de gestation, cela valait le coup d’attendre. Stéphanie Binet

1 CD Ponar.