Timothé Luwawu-Cabarrot défend sur Beno Udrih, du Miami Heat, lors d’un match de présaison, le 21 octobre. | Mike Ehrmann / AFP

Des cinq Français – chiffre historique – sélectionnés par des franchises NBA (National Basketball Association) lors de la draft (bourse aux joueurs) du mois de juin, Timothé Luwawu-Cabarrot sera le seul à fouler les parquets cette saison. Resté sur le banc tout au long du premier match des Philadelphia Sixers cette saison (défaite à Oklahoma City), il a joué ses premières minutes samedi soir, lors de la défaite de son équipe à domicile contre Atlanta (72-104).

La saison passée, les qualités athlétiques du Cannois, qui alterne entre le poste d’arrière et d’ailier, n’avaient pas échappé aux recruteurs de la ligue américaine, qui prenaient place régulièrement dans la salle de l’obscur club KK Mega Leks, en Serbie. C’est finalement Philadelphie, risée de la NBA ces dernières années, qui a chipé le Français en 24e position lors de la draft. Il raconte ses trois premiers mois dans ce monde à part.

A quoi ont ressemblé vos premiers jours après avoir été retenu par les Sixers ?

Le lendemain de la draft, je suis allé a Philadelphie pour une conférence de presse. Le fait d’être à côté du numéro 1 de la draft [l’Australien Ben Simmons, choisi par Philadelphie également] m’a enlevé toute la pression. Puis, je suis resté dix jours là-bas, car je n’avais pas le temps de rentrer prendre des vacances. Il fallait tout de suite enchaîner avec les summer leagues, à Salt Lake City.

Les « summer leagues » ?

Les franchises essayent d’aligner une équipe compétitive mélangeant des joueurs draftés et non draftés pour les mettre en valeur, ainsi que de jeunes joueurs n’ayant pas beaucoup joué la saison précédente. C’est un mélange de jeunes joueurs qui arrivent dans la ligue et de plus expérimentés qui jouent en Europe ou en Chine, et ont l’occasion d’attraper un contrat.

Je suis arrivé dans l’optique de jouer en équipe, mais les gars ne sont pas du tout dans cet état d’esprit. J’étais un peu choqué, car ils étaient venus faire des statistiques. Tout le monde jouait sa place, un peu perso.

Puis commence la présaison et la découverte de votre nouvelle franchise…

En août, j’ai commencé à travailler tout seul. A partir du 20, les joueurs arrivent, on commence à faire des cinq contre cinq et à faire monter l’intensité. Là, c’est vraiment dur. Le coach [Brett Brown] arrive et veut voir si l’on est capables de jouer dès cette année, quelle est notre valeur réelle. Il nous teste pendant près d’un mois. Puis commence le camp d’entraînement qui marque le vrai début de saison. Les médias sont là. Deux entraînements par jour. C’est très physique, très dur. Tout le monde est en mission. On commence à être en mode compétition.

Comment vous sentez-vous dans cet univers très concurrentiel ?

Je m’y sens bien. C’est bon d’être toujours en compétition, de toujours devoir se surpasser et donner le meilleur de soi-même. C’est vraiment fatigant, épuisant, il faut être sérieux, bien manger, bien dormir, faire les soins, c’est compliqué. Mais ce n’est qu’un mois et demi dans l’année, car, une fois que les matchs ont commencé, on n’a pas l’occasion de s’entraîner dur. C’est vraiment maintenant qu’il faut tout donner.

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris depuis votre arrivée ?

La salle d’entraînement, les infrastructures, le nombre de personnes autour de toi et les moyens matériels qui sont impressionnants.

N’est-ce pas frustrant de ne pas pouvoir choisir l’équipe dans laquelle on va évoluer ?

En NBA, peu importe où tu es, c’est à toi de faire en sorte que ce soit le meilleur endroit. Bien sûr, ce serait super de pouvoir choisir ses coéquipiers, son coach, mais je suis très bien tombé. Le jeu qu’il prône, tout en courses, avec une défense dure, est celui que je pratiquais l’année dernière en Serbie.

En arrivant à Philadelphie, balancez-vous entre la frustration de savoir que vous ne jouerez pas les play-offs et l’espoir d’obtenir un bon temps de jeu ?

Je préfère avoir des minutes de jeu maintenant et, pourquoi pas, l’année prochaine, avoir un bien meilleur rôle et viser les play-offs. Je crois, au fait, que tout le monde va progresser ensemble, grandir ensemble et essayer de créer quelque chose.

Quels sont vos objectifs personnels ?

D’avoir un peu plus de responsabilités au fil de l’année, progresser, faire le moins d’erreurs possible dans tous les secteurs du jeu. J’aimerais gagner la confiance du coach en tant que joueur important de l’équipe afin d’avoir un bon rôle l’année prochaine. Toute la pression est sur le numéro 1 de la draft, pas sur moi. Les dirigeants ne m’ont pas donné d’objectif précis. Leurs consignes, c’est : « Sois là avant l’entraînement, sois là après l’entraînement, et fais les choses bien. »

La discipline est fondamentale, encore plus poussée qu’en Serbie. Faire ses entraînements individuels, la musculation tous les jours, développer une routine en arrivant tôt à la salle, etc. En ce moment, j’ai cinq heures d’entraînement le matin. J’arrive vers 8 h 30, je passe deux heures tout seul, à la musculation, aux soins. J’ai un entraînement collectif d’une heure et demie, puis je m’entraîne au tir.

Auriez-vous pu rejoindre la NBA aussi vite en restant en Pro A, plutôt que de passer une saison en Serbie ?

Oui, je pense que ça aurait été la même chose en restant à Antibes. Mais partir à Mega Leks était un choix plus sûr, et il s’est passé ce qu’on avait prévu [avec son agent, le Franco-Serbe Pedja Materic] : j’avais des responsabilités, le jeu de l’équipe était vraiment du même style que celui de NBA, à base de contre-attaque et de défense dure. C’était donc vraiment une bonne transition.

Savez-vous de quoi votre avenir sera fait moyen terme ?

J’ai un contrat garanti de deux ans, plus deux ans en option qui peuvent être levées par l’équipe. Elle peut m’échanger à n’importe quel moment. Mais ce ne sont pas des choses auxquelles on pense, surtout que ça ne m’est jamais arrivé.