Une affiche du candidat à l’élection présidentielle libanaise, le 28 octobre. | JOSEPH EID / AFP

Le Parlement libanais doit élire lundi 31 octobre à la présidence l’ancien général chrétien Michel Aoun. Le vote doit mettre fin à un vide institutionnel qui s’éternise depuis deux ans et demi en raison des profondes divisions politiques et confessionnelles du pays.

L’élection de M. Aoun, 81 ans, est le fruit d’un laborieux compromis entre les principales factions politiques, habituellement promptes à s’affronter sur tous les dossiers. Cette percée intervient dans un contexte de paralysie des institutions publiques et de malaise politique généralisé dans ce pays voisin de la Syrie en guerre. La séance du Parlement doit débuter à midi et il s’agit de la 46e réunion organisée pour élire un président.

Sauf surprise de dernière minute, c’est donc l’ex-chef de l’armée Michel Aoun qui devrait accéder à la magistrature suprême, pour un mandat de six ans non-renouvelable. Petit, rondouillard, ce militaire chrétien maronite adulé comme chef charismatique par ses partisans et haï par ses adversaires peut compter sur le soutien du Hezbollah, le puissant mouvement islamiste chiite qui soutient le régime de Damas.

Rôle d’arbitre

Mais il a aussi obtenu l’appui inopiné de deux de ses adversaires politiques : le chef chrétien maronite des Forces libanaises Samir Geagea et l’ancien premier ministre musulman sunnite Saad Hariri. Tous deux sont pourtant hostiles au Hezbollah et au président syrien Bachar Al-Assad.

Au Liban, les trois principaux postes de l’Etat sont dévolus aux trois plus importantes communautés religieuses : la présidence de la République à un chrétien maronite, celle du Parlement à un musulman chiite et le poste de premier ministre à un musulman sunnite.

Le président joue un rôle d’arbitre mais ses prérogatives ont été fortement réduites depuis la fin de la guerre civile (1975-1990), dans un système politique bâti sur un délicat équilibre entre les différentes communautés. L’élection de lundi contribuera à relancer la machine des institutions, alors que des législatives – deux fois reportées – doivent se tenir en 2017.

Quarante-cinq échecs

Jusqu’à maintenant, toutes les tentatives d’élire un chef de l’Etat s’étaient avérées infructueuses. A 45 reprises, le Parlement a essayé d’atteindre le quorum des deux tiers nécessaire pour organiser le vote, soit 86 des 128 députés (répartis à parts égales entre chrétiens et musulmans) : sans succès. A chaque fois, les vingt élus du bloc parlementaire de M. Aoun et les treize députés du Hezbollah ont boycotté les séances.

Le chef de l’Etat est élu par la Chambre des députés. Il doit être élu à bulletin secret, à la majorité des deux tiers des députés au premier tour, et à la majorité absolue aux tours suivants (soit 65 voix). Selon un sondage du quotidien libanais Assafir, l’ancien militaire, toujours appelé « le général » au Liban, pourrait remporter l’élection dès le premier tour, avec 94 voix.

« Illégitime »

Dans certaines régions, les partisans de Aoun ont déjà érigé des bannières vantant les mérites « d’un président fort » qui peut « faire des miracles ». Pour le député Alain Aoun, qui vante « la santé de fer » et la « mémoire d’éléphant » de son oncle, « le général » est un homme « patient, têtu et persévérant ».

Mais ses détracteurs le décrivent comme un homme colérique, capable d’audacieuses volte-face politiques. Sur les réseaux sociaux, des internautes partagent ainsi depuis plusieurs jours des vidéos de l’ancien militaire dénonçant comme « illégitime » ce même Parlement qui doit aujourd’hui l’élire, l’institution ayant prolongé à deux reprises son mandat.

L’élection de M. Aoun devrait permettre à M. Hariri de devenir premier ministre, un poste qu’il avait déjà occupé entre 2009 et 2011. En annonçant son soutien à M. Aoun, M. Hariri expliquait son choix par la nécessité de « préserver le système politique, renforcer l’Etat, relancer l’économie, prendre nos distances avec la crise syrienne ».

Immense manifestation de défiance envers les politiques au Liban
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