Sa dernière sortie s’est déroulée dans le succès et sous les hommages. Du 27 au 31 octobre à la Paris Games Week, le club de jeux vidéo de Melty a brillé pour sa dernière sortie avant dissolution. Avec notamment une première place sur le jeu de tir Overwatch et une médaille d’argent sur League of Legends au tournoi Underdogs, qui réunissait les meilleures équipes françaises, ainsi qu’une première place au tournoi GrosBill Invitational, réservé au top 4 hexagonal. « Un beau baroud d’honneur des joueurs et équipes malgré leur situation précaire », se félicite Romain Tixier, responsable e-sport de Melty.

Il y a quinze jours, les « Rabbits », le surnom des joueurs, ont appris la fermeture surprise du club dont ils portaient le maillot. Celui-ci s’apprêtait pourtant à passer ses joueurs en CDD (la plupart étaient free-lance), et à étoffer leur section FIFA. Mais l’annonce fracassante du partenariat entre Webedia, un des principaux rivaux de Melty, et le club du Paris-Saint-Germain, aux finances quasi illimitées, a convaincu les dirigeants de se retirer d’une compétition dans laquelle il n’a plus les moyens de lutter. Romain « Imuhan » Serra, manageur des équipes, confirme :

« Tant que c’était une guerre des médias, les gérants de Melty se sentaient de taille, mais maintenant que c’est un club de football, ils ne savent pas faire, donc ils préfèrent arrêter. »

« Dramatique »

Cette disparition laisse un goût amer aux observateurs, qui y voient l’un des effets pervers de la bulle de l’e-sport. « Pour moi qui ne suis pas un concurrent, je trouve ça assez dramatique », explique Fabien Goupilleau, fondateur de l’ESport Academy, un centre de formation. « Melty était la structure n1 en France en termes de résultats, tout en étant indépendant – contrairement à Millenium et maintenant PSG, qui bénéficient de l’appui de Webedia. »

C’est peu dire que les lapins verts de Melty eSport ne payent pas un manque de résultats. En deux ans, la structure a multiplié les performances : victoire au plus grand tournoi français, la DreamHack de Tours, sur le jeu-phare, League of Legends ; place de numéro 1 mondial sur Overwatch durant la longue phase de prélancement du jeu ; une participation aux championnats d’Europe du jeu de cartes HearthStone, et une place de vice-champion de France sur Counter-Strike Global Offensive en 2015. Pour sa dernière sortie, les Rabbits ont reçu de nombreux hommages de la part des joueurs et de leurs adversaires.

« Je suis surtout triste car je suis fier de mes joueurs, je pense que j’ai réussi à monter des équipes compétitives sur tous les jeux, confie Romain Serra. On vient de faire la Paris Games Week, et de voir autant de personnes venir soutenir les joueurs, c’est juste magnifique. Demain c’est le dernier jour sous ces couleurs, c’est difficile d’imaginer que tout va s’arrêter d’un coup. J’espère que mes joueurs arriveront à rebondir ailleurs car ils le méritent. »

Plusieurs d’entre eux ont déjà reçu des propositions pour rejoindre d’autres équipes existantes. A moins qu’un nouveau sponsor n’entre dans la danse pour reprendre le club et lui permettre de poursuivre son existence sous d’autres couleurs. Dimanche soir, ce n’était pas la piste privilégiée.

En pleine structuration mais en manque d’investisseurs pour les équipes, le secteur traverse une période charnière en France, estime Fabien Goupilleau, qui voit la disparition de Melty comme un possible signe annonciateur. « L’année 2017 sera cruciale pour l’eSport français. Plusieurs grosses structures n’arriveront pas à passer le cap de la professionnalisation, et devront alors fermer. »