Il était tôt dimanche matin lorsque les 490 délégués des partis d’opposition sont arrivés à l’hôtel Kairaba, dans la station balnéaire de Kololi, à l’ouest de Banjul. Venus de tout le pays, ils s’y étaient donné rendez-vous pour élire l’unique candidat de l’opposition gambienne qui fera face au président Yahya Jammeh lors de l’élection présidentielle du 1er décembre.

C’est donc sur les épaules d’Adama Barrow, du Parti de l’unité démocratique (UDP), que repose désormais l’espoir de libérer le petit pays de l’Afrique de l’Ouest de l’emprise d’une dictature qui dure depuis vingt-deux ans.

Agé de 51 ans, le trésorier de l’UDP va donc en démissionner de son poste et, en cas de victoire en décembre, prendra la tête d’un gouvernement de transition pour trois ans. Dans ce cas de figure, des élections libres, auxquelles il ne pourra pas se présenter, seront ensuite organisées. Adama Barrow était jusque-là peu connu du grand public. Mais l’arrestation il y a trois mois du chef de l’UDP, Ousainu Darboe, a mis dans la lumière ce gestionnaire d’une agence immobilière et trésorier du parti. L’ombre du chef de l’UDP, condamné à trois années de prison ferme fin juillet pour avoir réclamé le corps d’Ebrima Solo Sandeng, le secrétaire du parti mort en détention après avoir été torturé, a donc plané sur la rencontre de Kololi.

Faux-bond d’Issatou Touray

Cheville ouvrière de ce rassemblement de l’opposition, Fatoumata Jallow Tambadiang, une ancienne conseillère politique du président Jawara (1965-1994) s’est félicitée de la maturité des opposants du pays. Surnommée la « maman des Gambiens », Mme Jallow Tambadiang a rappelé que « l’environnement politique qui prévaut actuellement dans le pays indique clairement qu’aucun parti politique ne peut, à lui seul, vaincre le président Yahya Jammeh ». Les huit partis de l’opposition avaient donc été appelés ces dernières semaines à choisir chacun 70 délégués. Tour à tour, les délégués ont voté pour les candidats de leur choix.

Mais la surprise de dimanche aura été l’absence d’Issatou Touray. Première femme à avoir déclaré sa candidature pour la présidence en Gambie, la candidate indépendante s’était ralliée à l’initiative de l’opposition.

Mme Touray, dont l’entrée en lice dans début septembre avait suscité beaucoup d’enthousiasme, s’est désolidarisée de ses compagnons de l’opposition à quelques heures du vote sans en expliquer la raison. De quoi essuyer les tirs groupés de ses concitoyens, notamment les membres de la diaspora, qui se sont déchaînés contre elle sur les réseaux sociaux, la traitant de « lâche ». Personnalité de la société civile reconnue, militante des droits des femmes respectée, notamment, pour sa lutte contre les mutilations génitales, Issatou Touray avait été brièvement emprisonnée en octobre 2010 par le régime de Banjul qui redoutait son entrée en politique.

Après les vives réactions à son faux-bond de dimanche, Issatou Touray a déclaré dans la soirée à la télévision African online TV qu’elle n’avait pas quitté la coalition et soutiendrait le candidat de l’opposition.