L’ex-électricien Pierre Le Guennec et son épouse Danielle, en février 2015 au tribunal de Grasse. Ils ont été condamnés en première instance pour le recel de 271 œuvres de Picasso. | VALERY HACHE/AFP

L’ex-électricien Pierre Le Guennec, condamné avec son épouse Danielle en 2015 à deux ans de prison avec sursis pour le recel de 271 œuvres de Picasso, a présenté une nouvelle version des faits lors de l’ouverture de leur procès en appel, lundi 31 octobre à Aix-en-Provence.

« Madame Picasso Jacqueline avait des problèmes avec Claude Picasso, » a déclaré M. Le Guennec en début d’audience, la voix tremblante et l’expression maladroite. Quelques mois après le décès de M. Picasso, « elle m’a demandé de bien vouloir mettre chez moi en réserve des sacs-poubelles », qu’il chiffre entre quinze et dix-sept. Après un laps de temps indéterminé, elle lui aurait demandé de les lui rendre, et lui aurait dit de garder le dernier en disant « gardez-le, c’est pour vous ».

Jusqu’à présent, les époux Le Guennec avaient affirmé avoir obtenu le sac des époux Picasso en 1971 ou 1972, donc avant la mort du peintre, en 1973. Eric Dupont-Moretti, avocat des prévenus, a affirmé n’avoir obtenu cette version de son client que depuis quelques jours, « difficilement », et a demandé un complément d’information. M. Le Guennec a indiqué qu’il s’agissait « peut-être » de faire échapper ces sacs à l’inventaire de succession et a affirmé ne pas avoir dit la vérité plus tôt par « peur qu’on [ne l’]accuse ainsi que madame d’avoir volé ces sacs ». L’ancien électricien a également avoué, contrairement à ce qu’il avait affirmé jusqu’à présent, avoir été aidé par son beau-frère dans la rédaction des descriptifs d’œuvres.

Plainte des héritiers

M. et Mme Le Guennec ont été reconnus coupables en mars 2015 de « recel de biens provenant d’un vol » par le tribunal de Grasse. L’électricien, qui avait travaillé pour Picasso entre 1970 et 1973, avait soutenu que les 271 œuvres, qui datent de 1900 à 1932, empilées dans un carton durant quarante ans, étaient un cadeau de Jacqueline Picasso, dernière épouse de l’artiste, offert en 1971 ou 1972 dans son mas de Mougins, en remerciement de leur dévouement.

Les œuvres, non signées ni inventoriées au moment du décès du peintre, en 1973, avaient refait surface lorsque M. Le Guennec s’était présenté à Claude Picasso afin d’en faire authentifier 180 ainsi qu’un carnet de 91 dessins. Les héritiers avaient aussitôt porté plainte. Durant le procès en première instance, les témoignages de proches et d’experts de Picasso ont tous convergé pour détruire la thèse d’un don.

L’enquête n’avait toutefois pas permis d’établir formellement l’identité de l’auteur du ou des vols. Le tribunal avait décidé de remettre les œuvres au fils de l’artiste, Claude Ruiz-Picasso, représentant les six héritiers au procès. Le ministère public avait requis cinq ans de prison avec sursis à l’encontre du couple, estimant que les époux septuagénaires avaient porté préjudice à « la confiance » et à « la mémoire » de Pablo Picasso.

Pour le procureur Laurent Robert, Pierre Le Guennec a été un pion manipulé par des marchands d’art véreux, tentant d’écouler des œuvres initialement volées par son cousin « Nounours », ex-chauffeur de Picasso. Le parquet avait également fait appel.

L’audience lundi devant la Cour d’appel est prévue sur une journée. Les prévenus encourent une peine maximale de cinq ans de prison et 375 000 euros d’amende, ou la moitié de la valeur des biens recelés.