Une pompe à essence. | PHILIPPE HUGUEN / AFP

Désormais, tout conducteur grenoblois devra arborer sur son pare-brise une pastille colorée témoignant du degré de propreté de son véhicule. Après Paris, Grenoble-Alpes Métropole est la première agglomération de région à déployer un plan ambitieux de lutte contre la pollution. Entrant en vigueur le 1er novembre, le dispositif des « certificats de qualité de l’air » doit lui permettre d’interdire la circulation des véhicules les plus polluants en cas de dégradation durable de la qualité de l’air.

Par ce plan, Grenoble cherche à réduire la durée des pics de pollution auxquels elle est soumise. Située dans une cuvette, la métropole alpine connaît des épisodes souvent très longs (plus de 10 jours consécutifs). Cette configuration géographique complique en effet la dispersion des polluants, qui se retrouvent bloqués latéralement par les montages et en altitude par la persistance des anticyclones. Sur un an, l’agglomération grenobloise a déjà connu jusqu’à 45 jours de pic de pollution, comme en 2013, année particulièrement favorable aux phénomènes anticycloniques.

Mesures progressives

« Grâce à ces pastilles distinctives, nous pourrons prendre des mesures de restriction de circulation progressives, et ainsi gérer plus finement les pics de pollution en les anticipant mieux, et de façon plus efficace que la circulation alternée, qui ne permet pas de cibler les véhicules les plus polluants », se félicite Yann Mongaburu, président du Syndicat mixte des transports en commun (SMTC).

Ainsi, dès que l’indice de la qualité de l’air sur le territoire atteindra le seuil d’information [niveau 1 de concentration de polluants dangereux pour la santé], sans amélioration prévue le lendemain, la vitesse maximale autorisée sera réduite, le deuxième jour, à 70 km/h sur les toutes les voies rapides (y compris sur les accès autoroutiers) de l’agglomération. Si l’épisode se prolonge, dès le 5e jour, les véhicules immatriculés avant le 1er janvier 1997 ne seront plus autorisés à circuler. Et le 7e jour, ce sera au tour des voitures diesel Euro 2 antérieures au 1er janvier 2001, et Euro 3 antérieures au 1er janvier 2006, d’être interdites de circulation.

Ces restrictions s’accompagneront d’incitations tarifaires à l’usage des transports en commun et de Métrovelo, le service métropolitain de location et de consigne de vélos, allant jusqu’à la gratuité à partir du 7e jour. Comme la réduction des vitesses maximales autorisées, ces mesures tarifaires s’appliqueront non seulement sur le périmètre de la métropole, mais également sur celui des deux intercommunalités mitoyennes, celle du Grésivaudan et celle du Pays Voironnais.

« Le fait d’avoir pensé et travaillé ce plan de manière partenariale avec les territoires voisins nous permettra de réagir efficacement et rapidement dans les périodes critiques, souligne Yann Mongaburu. Les mesures seront déclenchées automatiquement et leur mise en œuvre ne nécessitera pas une réunion préalable des élus. »

Entreprises mobilisées

Les entreprises locales sont également mobilisées. Afin de permettre aux salariés de réduire ou différer leurs déplacements lors de pics de pollution, la chambre de commerce et de l’industrie et la chambre des métiers et de l’artisanat se sont engagées à promouvoir le covoiturage, ainsi que le télétravail et les horaires décalés. Et à relayer l’information sur les mesures prises à l’échelle de la métropole – qui sera diffusée par le préfet dès la veille, à 15 heures.

« Nous faisons le pari que si les gens sont bien informés en amont, ils changeront leurs habitudes de déplacement, pendant les pics déjà mais aussi au-delà. Les épisodes de pollution seront l’occasion de découvrir le vélo, les transports en commun, le covoiturage… », souligne Yann Mongaburu.

Pour inciter les Grenoblois à se doter d’un certificat qualité de l’air, le SMTC s’est engagé à rembourser en tickets de transport (à raison de 4,80 €) les automobilistes l’ayant acheté avant le 1er janvier, date où la verbalisation en cas d’infraction en période de pic de pollution deviendra effective (amende de 22 à 35 euros). « L’adoption des certificats par les Grenoblois est déterminante », insiste Christophe Ferrari, président (PS) de la métropole, laquelle mise avec les restrictions de circulation sur une baisse de 10 % des émissions de polluants dès le 5e jour d’un épisode, et de 39 % le 7e jour.

Enjeu sanitaire

Nicolas Vigier, d’Air Auvergne Rhône-Alpes, l’observatoire régional de la qualité de l’air, tient cependant à rappeler qu’au-delà mêmes des pics, l’agglomération grenobloise reste soumise à une pollution chronique élevée. Si l’air de fond grenoblois tend depuis une vingtaine d’années à s’améliorer, plus de 70 % de la population restent toutefois exposés à des niveaux de particules fines supérieurs au seuil maximum fixé par l’Organisation mondiale de la santé (20 microgrammes par mètre cube d’air). Selon une étude réalisée par le centre grenoblois de recherche de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), entre 3 % et 7 % des décès survenant dans l’agglomération seraient dus, chaque année, aux effets de la pollution atmosphérique.

Face à cet enjeu sanitaire, Grenoble Métropole entend aussi se donner les moyens pérennes d’améliorer la qualité de l’air sur son territoire. A compter du 1er janvier 2017, elle va faire de son centre une « zone de circulation restreinte », dont seront interdits de circulation, dans un premier temps, les véhicules de livraison de marchandise les plus polluants. La collectivité va, à cette occasion, ouvrir deux centres de distribution en périphérie, équipés d’une flotte de véhicules propres et de vélos, cherchant à la fois à accélérer le renouvellement du parc roulant et à réduire le trafic, en encourageant le report vers des modes de transports moins polluants.