Qu’est-ce que l’accord du CETA devrait changer ?
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Après sa signature officielle, dimanche 30 octobre, le traité de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et le Canada (CETA) devra être ratifié par le Parlement européen puis par trente-huit parlements nationaux et régionaux. Une ratification qui pourrait prendre de longues années, et susciter de nouvelles controverses politiques dans les différents Etats membres de l’UE.

Il devrait aussi s’inviter dans la campagne présidentielle en France, un certain nombre de candidats faisant déjà campagne sur l’opposition à ce traité, qu’ils jugent « dangereux » pour certains pans de l’économie française. Un débat qui dépasse les clivages habituels et qui permet de dessiner des lignes de fracture à gauche et à droite parmi les prétendants à l’Elysée.

  • A gauche

Ils sont pour

Le gouvernement

Le 13 octobre, Manuel Valls et Justin Trudeau, premier ministre canadien, s’affichaient tout sourire à Ottawa, au Canada. Normal : le chef du gouvernement français a été l’un des plus fidèles alliés de M. Trudeau pour la défense de l’accord de libre-échange. Pour M. Valls, l’accord est « exemplaire », « équilibré, gagnant-gagnant, mutuellement bénéfique aux deux parties ». A l’opposé, selon lui, du projet de traité avec les Etats-Unis (Tafta ou TTIP), aujourd’hui aux abonnés absents.

A l’image du premier ministre, le gouvernement français soutient évidemment l’accord avec le Canada. « Je crois que c’est un succès pour l’Europe, et cela montre que l’on peut signer de bons accords de commerce », avait ainsi déclaré Harlem Désir, secrétaire d’Etat aux affaires étrangères, après qu’un accord a finalement été trouvé en Belgique pour signer le traité.

Ils sont contre

Le paysage des opposants au CETA à gauche laisse présager que la question s’invitera dans les débats de la campagne présidentielle, et en particulier de la primaire de la gauche. Les opposants ont en effet en commun d’être les adversaires annoncés du candidat qui sera issu de l’exécutif sortant, qu’il s’agisse de François Hollande ou Manuel Valls.

  • Les frondeurs du Parti socialiste

Arnaud Montebourg, Benoît Hamon, Marie-Noëlle Lieneman, Gérard Filoche… Tous membres du PS, tous candidats à la primaire de la gauche et tous opposés à la ratification du CETA, craignant une « fuite en avant libre-échangiste » selon M. Hamon, une « perte de souveraineté de la sphère judiciaire, […] l’uniformisation par le bas des normes environnementales, sanitaires et sociales » selon Mme Lienemann.

Dans une tribune publiée dans Le Monde, Arnaud Montebourg, qui est aujourd’hui le mieux placé dans les sondages pour la primaire de la gauche, estimait qu’il paraissait « anachronique de signer ou de ratifier les traités de libre-échange ».

  • Jean-Luc Mélenchon

Le 29 octobre, le fondateur du parti de Gauche qui fait campagne pour la présidentielle sous la bannière de « la France insoumise » dénonçait un « coup de force » avec la signature du CETA. Son principal argument : le traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada serait le « cheval de Troie » du TTIP ou Tafta.

« En application des accords déjà existants entre les Etats-Unis et le Canada, les normes sociales et environnementales qui protègent – pour l’instant encore – travailleurs, citoyens et entreprises en Europe seront directement attaquées via leurs mises en concurrence avec les économies nord-américaines », redoutaient plusieurs députés européens, dont M. Mélenchon, dans une tribune publiée mi-octobre par le quotidien belge Le Soir.

  • Les écologistes

L’arrestation et l’expulsion du territoire canadien, dans la nuit du 11 au 12 octobre, de José Bové, député européen Europe écologie-Les Verts (EELV), alors qu’il était venu manifester contre le traité, a symbolisé à elle seule l’opposition des écologistes au traité.

Yannick Jadot, candidat au second tour de la primaire écologiste a fait, lui, une intervention remarquée contre le traité, le 26 octobre, au Parlement européen à ce sujet. Une inquiétude partagée également par Nicolas Hulot, dans un entretien donné au quotidien belge Le Soir.

  • A droite

Le débat sur le CETA dessine, à droite, d’autres lignes de fracture au sein notamment des candidats à la primaire de la droite, permettant de les positionner selon leur proximité avec les idées souverainistes.

Ils sont pour

Ce débat est moins présent à droite, et pour cause : Les Républicains (LR) soutiennent le traité avec le Canada. Le 6 octobre, Franck Proust, président de la délégation LR au Parlement européen, jugeait cet accord « nécessaire pour rééquilibrer nos très bonnes relations avec ce pays ».

Alain Juppé se montre critique de « l’opacité » des négociations mais, pour lui, « l’objectif c’est le libre-échange, et le libre-échange est une chance pour nos entreprises », déclarait-il sur France inter le 25 octobre. Une position partagée notamment par Bruno Le Maire et François Fillon lorsqu’ils se sont exprimés sur le sujet.

Ils sont contre

Deux candidats de la primaire de la droite se distinguent toutefois sur cette question.

Sans surprise, Jean-Frédéric Poisson, qui est le plus souverainistes des prétendants, s’y oppose, particulièrement inquiet des conséquences pour l’agriculture française qu’il estime menacée par le traité.

Plus surprenant, mais symptomatique de la campagne qu’il entend mener et des électeurs qu’il entend toucher, Jean-François Copé a lancé début octobre une pétition hostile aux traités de libre-échange avec pour mot d’ordre « Défendons nos fromages ». « Plus de 80 % des produits français labellisés ne sont en effet pas reconnus par ces accords », s’inquiète-t-il – alors que le CETA entend au contraire améliorer la protection de ces produits.

Autre représentant de la droite à l’élection présidentielle, Henri Guaino s’oppose également au CETA, estimant qu’il est « temps de marquer une pause dans cette dérive vers le libre-échange comme religion. Le libre-échange c’est très bien […] mais enfin il faut savoir marquer des limites et je pense qu’on a perdu tous les repères ».

Enfin, il n’est nullement étonnant de voir Nicolas Dupont-Aignan dans la liste des opposants au traité de libre-échange avec le Canada. Selon lui, « le CETA constitue un texte hasardeux – voire franchement nocif – pour nos modèles économiques et sociaux européens, dont les modalités de mise en œuvre risquent, de surcroît, rien moins que de vider de leur substance les prérogatives de ratification de notre Parlement ». Lui réclame un référendum sur la question de la ratification.

  • A l’extrême droite

Nulle surprise non plus de trouver le Front national au rang des contestateurs du traité de libre-échange. Selon Marine Le Pen :

« Chacun doit prendre conscience que ces textes, dont on rappelle qu’ils prévoient de donner la possibilité aux multinationales de traîner les Etats devant des tribunaux privés, constituent des menaces sérieuses pour notre industrie, notre agriculture et nos services, et qu’ils promettent de bouleverser nos normes alimentaires, sociales et environnementales dans un sens que nous ne souhaitons pas. »

Le Front national aimerait même s’arroger le monopole du combat contre le traité. « La seule candidate qui ne signera ni le CETA ni le Tafta, c’est Marine Le Pen », affirmait, lundi 31 octobre, Florian Philippot sur Radio classique, oublieux de tous ceux cités précédemment, toutes formations politiques confondues, qui sont sur la même ligne.