Jude Law incarne le pape dans « The Young Pope », de Paolo Sorrentino. | SKY/HBO/WILDSIDE/CANAL+

Dans The Young Pope, dont la première saison de dix épisodes est diffusée sur Canal+ depuis le 24 octobre, un jeune pape fait souffler un vent de réformes sur le Vatican. Derrière cette série au casting international – Jude Law interprète le pape – et réalisée par le cinéaste italien Paolo Sorrentino (Il Divo, Youth), se cache une maison de production française.

Créée au début des années 1990, Haut et Court a un joli palmarès à son actif. Dirigée par Caroline Benjo et Carole Scotta, elle a produit, entre autres, les premiers films de Bertrand Bonello (Le Pornographe, Tiresia) et Entre les murs, de Laurent Cantet (Palme d’or 2008). Mais depuis 2011, Haut et Court est aussi devenu un acteur important de la production télévisuelle en France, avec Xanadu, diffusée en 2011 sur Arte. Et, surtout, avec les deux saisons des très remarqués Revenants, que l’on a pu voir sur Canal+ entre 2012 et 2015.

Frontière poreuse entre écrans

Pour Caroline Benjo, passer du cinéma à la télévision fut presque naturel : « Après dix années de travail dans la production cinématographique, j’ai travaillé sur la série d’Arte, 2000 vu par, produite par Pierre Chevalier. J’ai pu constater combien les frontières entre le grand et le petit écran étaient floues, puisque la moitié des épisodes, réalisés par Laurent Cantet, Hal Hartley, Tsaï Ming-Liang ou Walter Salles, avaient eu droit à une version longue en salles. »

« Avec Eugène Sue ou Balzac, les “showrunners” de l’époque, nous avons été des précurseurs. » Caroline Benjo, codirectrice de Haut et Court

En s’engageant dans les séries, la productrice a surtout laissé libre cours à une passion ancienne. « En raison de ma formation littéraire, j’adorais le feuilleton. J’étais frappée de voir comme l’exemple de Louis Feuillade, avec Fantômas, n’avait pas été suivi dans le cinéma français. Pourtant, avec Eugène Sue ou Balzac, les “showrunners” de l’époque, nous avons été des précurseurs. La série est un travail d’écriture très technique et, en France, on a tendance à penser que la mise en scène prévaut sur l’écriture. »

Caroline Benjo, codirectrice de Haut et Court. | JEAN-CLAUDE LOTHER

Xanadu, la première série produite par Caroline Benjo, était une saga familiale dans le milieu du porno. La productrice fut surprise de la vitesse à laquelle le réalisateur Podz a tourné : moins d’une dizaine de jours pour 52 minutes. Les acteurs en sortaient épuisés, comme s’ils avaient joué en boucle une pièce de théâtre. Sur le tournage, elle a dû composer avec une génération de téléphages, sans solide culture cinématographique.

Trouver le bon ton

Les Revenants fut une tout autre aventure. « Nous avions produit le long-métrage du même nom de Robin Campillo en 2004, une histoire très réaliste, aux antipodes du film de morts-vivants classique. » La productrice décide alors de la décliner en série. Une idée ambitieuse, qui peinera à voir le jour. « Nous avons ramé pendant deux ans et demi. Nous avions sept ou huit bons scénaristes, mais ils ne trouvaient pas le ton. Canal+ n’a cessé de nous encourager. La chaîne tenait à ce que la série reste française, alors que nous nous étions demandés s’il ne fallait pas la confier à des Anglo-Saxons. » La ténacité a finalement payé : Les Revenants sont, avec Braquo, la première vraie réussite française en matière de séries des années 2010.

Carole Scotta, à La Rochelle, en septembre 2015. | XAVIER LEOTY/AFP

La genèse de The Young Pope est encore différente. D’abord parce que la productrice n’en fut pas l’initiatrice. L’idée vient du réalisateur Paolo Sorrentino lui-même qui voulait raconter l’histoire d’un pape sous forme sérielle. Caroline Benjo l’a accompagné au mieux. « Sorrentino a travaillé avec des historiens et des spécialistes du Vatican. Il est allé très vite – deux ans, une durée très courte pour l’écriture. Il a un système d’organisation, un côté homme-orchestre, il a écrit les synopsis des épisodes, avec une deuxième saison en tête. Il s’est vraiment tout approprié. »

Désormais, lorsqu’elle revient à la production cinématographique, Caroline Benjo a l’impression de tourner un court-métrage au regard de ce qu’exige une série. « Ce n’est pas dépréciatif, mais la série est un travail de bagnard. »

« The Young Pope » : un « House of Cards » version Vatican ?
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