Le groupe propriétaire de « USA Today » a finalement renoncé à racheter son rival « Tronc ». | DAVID MCNEW / AFP

Malgré une cour assidue de plus de six mois, le groupe de presse américain Gannett (USA Today) a finalement annoncé, mardi 1er novembre, qu’il renonçait à racheter son rival Tronc (Los Angeles Times, Chicago Tribune). Face aux réticences du principal actionnaire de ce dernier, Gannett avait été obligé de relever de 150 % sa première offre faite en avril. Une surenchère qui a fini par faire capoter le financement de l’opération.

Le propriétaire de USA Today avait lancé les hostilités sur la base d’un prix de 12,50 dollars par action, valorisant sa cible à 815 millions de dollars (736 millions d’euros). Pour surmonter les fins de non-recevoir de Michael Ferro, le patron et propriétaire de Tronc, Gannett a insisté en allant jusqu’à proposer 15 dollars et même 18,75 dollars par titre à la fin de l’été. Cet emballement n’a pas été du goût des banques censées financer l’opération. Sur les trois établissements impliqués, deux ont préféré jeter l’éponge, considérant qu’au regard de la chute de 43 % du résultat opérationnel de Gannett au troisième trimestre l’acquisition de Tronc apparaissait trop risquée.

Racheter pour résister à la crise du papier

« Alors que nous pensions que le rachat aurait donné l’opportunité au réseau de USA Today de se développer rapidement, finalement, les termes [de l’opération] n’étaient pas acceptables », a expliqué Gannett mardi. Leader du marché avec 12 % de la diffusion de journaux aux Etats-Unis avec, outre USA Today, plus d’une centaine de quotidiens locaux, le groupe de McLean (Virginie) veut s’imposer comme le pivot de la concentration en cours du secteur. Le but : racheter les acteurs de moindre taille qui ont de moins en moins les moyens de résister à la chute vertigineuse de leur diffusion sur papier et à la fuite des annonceurs vers le numérique.

Les revenus publicitaires totaux des journaux américains, qui représentent 57 % de leur chiffre d’affaires, sont ainsi passés de 49,3 milliards de dollars en 2006 à moins de 20 milliards en 2014, tandis que la diffusion quotidienne est tombée de 54,6 millions en 2004 à 29 millions dix ans plus tard. Jusqu’à présent, Gannett avait réussi à racheter des groupes de taille modeste comme Journal Media Group en début d’année ou, plus récemment, North Jersey Media Group. Mais avec Tronc, le groupe est tombé sur une proie plus coriace.

L’objectif consistait à faire jouer la complémentarité géographique des deux groupes tout en misant sur des économies en regroupant les fonctions administratives. Gannett comptait également accélérer les économies d’échelle qu’il a déjà mises en place au sein de son propre réseau de quotidiens locaux en leur fournissant des contenus communs pour les pages internationales, nationales et sportives. Mais cette vision se heurtait à celle de M. Ferro.

Tronc veut accélérer la numérisation des rédactions

Cet entrepreneur spécialisé dans les entreprises technologiques a pris le contrôle du groupe Tribune Publishing en février en injectant 44 millions de dollars, avant de le rebaptiser « Tronc » pour Tribune Online Content. Son idée : accélérer la numérisation des rédactions en s’appuyant notamment sur l’intelligence artificielle.

Malgré la taille modeste de Tronc, qui ne représente que 5 % de la diffusion aux Etats-Unis et malgré sa fragilité financière (le groupe a perdu 2,8 millions de dollars en 2015), M. Ferro répétait que sa stratégie fondée sur l’indépendance restait la meilleure, au grand dam des autres actionnaires, qui étaient favorables à une vente.

Gannett n’a réussi à le convaincre qu’au terme d’une coûteuse surenchère. Mais à vouloir être trop gourmand, M. Ferro a fini par rendre l’opération impossible. En Bourse, la sanction a été immédiate. Mardi, le titre Tronc s’est effondré de 12,39 % pour terminer la séance à 10,54 dollars, alors que l’action cotait encore 17 dollars le 26 octobre.