Les nations du monde entier ont donné le coup d’envoi d’un programme de développement nouveau et passionnant visant à éradiquer la pauvreté et à réduire les risques liés à la pollution du changement climatique et à la surexploitation de notre environnement naturel. Ce voyage vers un avenir meilleur, plus prospère et plus sûr, a été forgé par deux puissants canaux qui se renforcent mutuellement : l’Accord de Paris sur les changements climatiques et les Objectifs de développement durable (ODD) de 2015.

Les perspectives de succès sont élevées, grâce à la forte implication de toutes les parties prenantes : tous les pays, grands et petits, à l’Est et à l’Ouest, au Nord et au Sud, y ont souscrit et sont pleinement engagés dans les négociations mondiales, comme le montrent l’adoption historique de l’Accord de Paris par 195 pays et la soumission des contributions prévues déterminées au niveau national (INDC, selon le sigle en anglais).

Un nombre considérable d’acteurs non étatiques, villes, régions et provinces, ainsi que des entreprises et des investisseurs se sont joints aux efforts par le biais d’engagements individuels ou coopératifs, dont beaucoup sont référencés sur le portail NAZCA (environ 12 000 engagements et 77 initiatives collaboratives). Les Championnes Climat de la France et du Maroc ont conçu le Plan mondial pour stimuler l’action coopérative entre les gouvernements et les acteurs non étatiques afin de soutenir et de catalyser une mise en œuvre efficace de l’Accord de Paris.

Mais le travail ne fait que commencer et de nombreux défis restent à relever.

Des plans concrets et réalistes

Les engagements pris ne limiteront pas le réchauffement planétaire à 2 °C. Les conséquences du réchauffement climatique seront terribles pour l’agriculture et l’approvisionnement en eau et menaceront les régions les plus vulnérables ainsi que leurs populations. Les gouvernements doivent relever leurs INDC et élaborer des plans concrets et réalistes pour soutenir leurs engagements.

Les pays doivent traduire leurs INDC en programmes dignes d’investissement via un meilleur accès aux financements, une adaptation des cadres politiques et une meilleure planification des projets. L’implication des acteurs non étatiques pourrait être renforcée plus avant, en particulier en ce qui concerne les investissements, le renforcement des capacités et le transfert de technologies.

L’Afrique est à l’aube d’une croissance sans précédent. Comme l’a souligné l’Africa Progress Panel, le continent a la possibilité de choisir un modèle pour son industrialisation. Un modèle de « croissance verte » qui puiserait dans son vaste potentiel de ressources renouvelables pour construire sa croissance économique lui conférerait un certain avantage sur les marchés mondiaux. De même, le rapport de la Banque africaine de développement sur la croissance verte souligne que cette transition contribue à la création d’une croissance de « meilleure qualité », soit plus résiliente et plus inclusive. Les opportunités les plus importantes de l’Afrique résident dans l’énergie, l’urbanisme et la mobilité urbaine, ainsi que dans l’agriculture et l’utilisation des terres, tous ces secteurs faisant face à des choix majeurs pour leur développement. Une « croissance verte » pour l’Afrique se concrétisera par :

  • Un élargissement de l’accès à des sources d’énergie propres

Plus de 620 millions de personnes rien qu’en Afrique subsaharienne n’ont pas accès à l’électricité. Ils se voient obligés de compter sur le charbon de bois, le kérosène, la bougie et les torches qui nuisent à leur santé et à l’environnement et sont inabordables pour les populations les plus vulnérables (la plupart des ménages les plus vulnérables dépensent vingt fois plus que les riches citoyens urbains pour la même quantité d’énergie, puisqu’ils se reposent sur la biomasse ou de coûteux générateurs fonctionnant aux produits pétroliers). Un développement de plus en plus fondé sur les énergies renouvelables en Afrique (de 26 % à 32 % de la production d’énergie) devient de plus en plus concurrentiel. En outre, l’intégration régionale permettrait de réduire encore plus les coûts par un effet d’échelle et une meilleure optimisation.

  • Le développement de villes résilientes et inclusives

Parce que l’Afrique est le continent du monde à l’urbanisation la plus rapide, les conséquences du changement climatique sur les villes seront énormes, et plus particulièrement pour leurs habitants les plus pauvres. La population urbaine de l’Afrique devrait passer de son niveau actuel de 472 millions à 659 millions d’ici 2025, et à 1 milliard d’ici 2040, moteur de la partie la plus importante de la croissance économique sur le continent. Pourtant, les villes africaines ne peuvent pas absorber la croissance de leurs populations en raison du manque de planification urbaine, de systèmes de transport en commun, de logement abordables et de systèmes de gestion des déchets. La faiblesse des institutions et l’insolvabilité généralisée des villes africaines ajoutent des contraintes supplémentaires pour le développement de villes plus propres et plus résilientes. Les citadins vivant dans la pauvreté sont particulièrement vulnérables aux impacts du changement climatique, étant donné qu’ils vivent souvent dans des zones très exposées ou à risque (comme les zones humides, les plaines inondables, les décharges, les dépôts d’ordures ou les zones rocheuses).

  • La stimulation de la résilience et de la productivité de l’agriculture

Un réchauffement de 3 °C ou 4 °C au-dessus des températures préindustrielles augmentera le risque de sécheresse extrême (en particulier en Afrique australe), diminuera les rendements des principales cultures de base de 20 % et menacera la disponibilité de l’eau. Les techniques agricoles, comme par exemple le stockage de l’eau, les cultures résistantes à la sécheresse, la rotation des cultures et la protection contre les inondations doivent être améliorées pour rendre l’agriculture plus résiliente au changement climatique et réduire les pertes alimentaires. L’augmentation de la productivité de l’agriculture permettra également de réduire la déforestation, dont 70 % sont causée par l’agriculture.

Initiatives en cours

De multiples initiatives mondiales et régionales sont en cours pour résoudre les grands défis de l’Afrique.

  • L’énergie

La Nouvelle Donne de l’énergie pour l’Afrique est une initiative majeure visant à coordonner les efforts de toutes les parties prenantes du secteur de l’énergie en Afrique. D’autres initiatives visent à fournir un accès universel à l’énergie et à intensifier l’utilisation des énergies propres, dont l’Energie durable pour tous de l’ONU (SE4All, selon le sigle en anglais) et l’Initiative africaine des énergies renouvelables (IAER) lancées à la conférence de Paris. Les gouvernements peuvent attirer les investisseurs privés en aidant les acteurs nationaux à développer des projets évolutifs rentables et en élaborant des cadres de réglementation favorables.

  • Des villes et mobilité urbaine

Les initiatives internationales telles que le C40 Climate Leadership Group et le Pacte des maires se concentrent à aider les villes africaines à développer une planification urbaine et des systèmes de transport en commun. Le principal défi consiste à mieux intégrer l’Afrique dans ces initiatives alors que le potentiel évolutif de ces activités augmente.

  • L’agriculture

Des initiatives telles que l’Alliance mondiale pour l’agriculture climatique intelligente visent à augmenter la productivité agricole et les revenus de manière durable, à adapter et à renforcer la résilience aux changements climatiques et à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Prochaines étapes

C’est un bon début. La conférence de Marrakech (COP22), qui se déroulera du 7 au 18 novembre nous permettra de franchir les prochaines étapes importantes en :

  • Fournissant un forum pour permettre la maturation, la mise à l’échelle et l’accélération des projets existants et d’en élaborer de nouveaux pour réaliser l’Accord de Paris et les ODD, spécialement dans les secteurs qui sont cruciaux au développement africain en particulier.
  • Reliant les projets au soutien des facilitateurs spécifiés dans l’Accord de Paris, en particulier l’accès au financement (pour combler le déficit de financement s’élevant à 55 milliards de dollars annuels pour l’Afrique d’ici 2030), le renforcement des capacités et le transfert de technologies.
  • Marquant le début d’une nouvelle génération de COP axées sur les mesures visant à mettre en œuvre l’Accord de Paris.

La COP22 est importante pour les dirigeants régionaux et municipaux, les PDG et les investisseurs africains. Ils seront en première ligne pour témoigner des risques et des possibilités de prendre des mesures aux niveaux nationaux et internationaux et seront ainsi en mesure de signaler leur solidarité avec les gouvernements et les citoyens du continent.

Nous sommes impatients d’échanger des idées et de travailler ensemble pour un avenir meilleur. Ceci est un impératif pour la population mondiale de 7 milliards de personnes et pour les générations futures.

Patricia Espinosa est la secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et Salaheddine Mezouar est le président de la prochaine 22e Conférence des parties (COP22) et ministre des affaires étrangères et de la coopération du royaume du Maroc.