Dans une agence bancaire, à Paris le 2 novembre, les militants altermondialistes et écologistes ont annoncé vouloir organiser le « procès de l'évasion fiscale » à Pau, le 9 janvier 2017, à l'occasion du procès intenté par la BNP-Paribas à l'un de leurs militants. | Photo : R.Bx.

C’est en chantant « Où t’es l’argent, où t’es ? » sur l’air du succès de Stromae Papaoutai qu’une cinquantaine de militants d’ONG écologistes et altermondialistes, fanfare comprise, ont envahi, mercredi 2 novembre à 9 h 10, une agence de la banque BNP-Paribas, place de la Bourse, au cœur de Paris.

Derrière la banque française ciblée – « c’est la BNP qui l’a caché », poursuivait la chanson revisitée –, c’est plus généralement l’évasion fiscale qui était visée, soit « 60 à 80 milliards d’euros qui manquent au budget de l’Etat et qui permettraient de financer largement la rénovation thermique des bâtiments et donc de lutter contre la précarité énergétique, mais aussi de construire des écoles, des crèches », a insisté pour les Amis de la Terre Charles-Adrien Louis.

Les ONG entendent faire du procès que la BNP a intenté contre un « faucheur de chaises », Jon Palais, une tribune contre les pratiques bancaires illégales. Durant les mois précédant la conférence sur le climat de Paris, la COP21, des militants avaient volé 196 chaises en une quarantaine d’actions dans des succursales bancaires afin d’organiser un sommet citoyen qui s’est tenu le 6 décembre 2015 à Montreuil (Seine-Saint-Denis).

« C’est la première fois qu’un faucheur de chaises sera jugé, le 9 janvier 2017 à Dax [Landes], mais c’est injuste, c’est l’évasion fiscale en bande organisée qu’il faut sanctionner », a déclaré Jessica Zeganadin, d’Action non violente (ANV)-COP21. D’ici là, les organisations à l’initiative de l’opération bancaire, Attac, Bizi, Les Amis de la terre, ANV-COP21 et le syndicat Solidaires-Finances publiques, appellent à la mobilisation et à faire le siège des banques, en particulier lors des journées des 9 et 10 décembre, un mois avant l’événement à Dax.

« La transition écologique, urgence vitale »

Cette saison 2 des faucheurs de chaise devrait convoquer à peu près les mêmes acteurs que durant l’année 2015 : les philosophes Edgar Morin et Patrick Viveret, le chanteur HK (& les Saltimbanks), le secrétaire général de la Confédération paysanne, Laurent Pinatel, etc. A l’issue de la première vague de ces emprunts de mobilier, les chaises avaient été rendues à la justice lors d’une opération organisée le 8 février 2016, sur le pont au Change, à proximité du palais de justice de Paris, où s’ouvrait alors le procès de l’ancien ministre du budget, Jérôme Cahuzac.

Mercredi 2 novembre, des militants d' ONG (Attac, les Amis de la Terre, ANV-COP21, Bizi...) ont fait irruption dans une agence de la BNP-Paribas, place de la Bourse à Paris, pour dénoncer l'évasion fiscale. | Photo : R.Bx.

Pour les militants du climat, les questions économiques et sociales sont étroitement liées aux problématiques environnementales. C’était le sens des campagnes lancées en particulier par Alternatiba et ANV-COP21 lors de la préparation de la COP21. « La transition sociale et écologique est aujourd’hui une urgence vitale », insistent les associations. Leur lutte s’accentue contre les banques, dont elles dénoncent les pseudo-engagements à favoriser la transition énergétique, alors qu’elles continuent de financer des projets basés sur les énergies fossiles, tout particulièrement le charbon.

Dans la petite salle d’accueil de la succursale parisienne, mercredi matin, où les clients pouvaient quand même atteindre les comptoirs, Thomas Coutrot, d’Attac, a expliqué qu’il existait les moyens de lutter contre la fraude : « En renforçant les effectifs et les moyens de la police fiscale et des administrations qui traquent les délinquants financiers, en faisant sauter le monopole de Bercy en matière d’ouverture de poursuites pénales ou encore en interdisant le pantouflage [le fait notamment pour de hauts fonctionnaires de rejoindre les banques] ».

Rapport sur les banques et le charbon

Avant d’entonner l’air de Stromae, la cinquantaine de militants s’est essayée à l’art choral en détournant la chanson de Georges Brassens, Les Copains d’abord, devenue « Ces maudits requins » : « C’est la banque d’un monde qui triche, l’argent des riches n’reste pas en friche, aux paradis du monde entier… »

Les Amis de la Terre, associés à d’autres associations spécialisées dans le secteur bancaire (Banktrack, FairfinanceFrance…), devraient publier jeudi 3 novembre un rapport sur les banques qui, « malgré leurs promesses, vont toujours au charbon ». Leur principale cible ? A nouveau la BNP-Paribas, qui compte « toujours des clients qui développent massivement de nouveaux projets charbon ».

Mercredi, à 9 h 43, la première voiture de police est arrivée sur place, en face du palais Brongniart qui a accueilli jusqu’en 1998 la bourse. Les militants étaient partis depuis une dizaine de minutes, emportant leurs chaises pliantes sous le bras… pour de nouvelles actions dans les prochaines semaines.