Vivarte possède notamment les marques Minelli, La Halle, Kookaï et André. | GEORGES GOBET / AFP

Moins d’une semaine après sa nomination surprise à la tête de Vivarte (La Halle, André, Minelli, Kookaï…), Patrick Puy devait rencontrer, mercredi 2 novembre, les organisations syndicales du leader français de l’habillement, qui emploie 17 000 salariés en France.

Ces rencontres, appelées à se succéder toute la journée, s’annoncent sous haute tension. « J’attire juste votre attention sur le fait que la CFDT sait qui vous êtes et ceux que vous représentez », a prévenu Jean-Louis Alfred, le coordinateur CFDT de Vivarte dans un courriel adressé au manageur : « Sans âme, sans moralité, juste un flingue chargé pour faire le boulot. »

Le profil de M. Puy, qui se définit comme un « médecin urgentiste » des entreprises en difficulté, alarme les syndicats. La CFTC Vivarte déroule même sur son site le « tableau de chasse » de M. Puy, des 4 000 suppressions de postes chez Moulinex, en 2000, aux 400 enregistrées chez Arc International, en 2014. L’organisation y ajoute le lien d’une vidéo, tournée en 2011, où M. Puy explique que le manageur de crise doit être « une espèce de mule (…) acceptant de faire des choses pas normales, pas morales, pas justes, (…) sans penser au développement de l’entreprise »

Quatrième dirigeant en deux ans

Patrick Puy succède à Stéphane Maquaire, débarqué fin octobre moins de six mois après sa prise de fonctions

Au-delà du pedigree du nouveau dirigeant, les partenaires sociaux dénoncent la valse des manageurs organisée par les fonds américains, qui ont pris le contrôle de Vivarte à la suite de la restructuration financière de 2014. Quatrième dirigeant en deux ans, M. Puy succède à Stéphane Maquaire, ancien patron de Monoprix, débarqué, jeudi 27 octobre, par le conseil d’administration qui l’avait adoubé en février 2016. Cette éviction a entraîné, dans la foulée, la démission du président de Vivarte, Pierre-Antoine Gailly, ex-président de la chambre de commerce et d’industrie de Paris-Ile-de-France.

« M. Maquaire a été viré, car les fonds actionnaires ne lui ont pas pardonné d’avoir obtenu, en juillet, la nomination d’un mandataire ad hoc. C’est une vengeance », tranche un bon connaisseur du dossier. M. Maquaire voulait préparer une renégociation de la dette du groupe. Avec un excédent brut d’exploitation de 55 millions d’euros seulement sur son exercice 2015-2016 clôturé en août – au lieu des 140 millions prévus dans le plan de 2014 –, Vivarte croule sous plus de 1,3 milliard d’euros d’endettement.

Oaktree, Alcentra, Babson et GLG, qui avaient accepté, en 2014, de tirer un trait sur 2 milliards d’euros de créances, en échange de leur montée au capital, veulent éviter un nouvel effacement de dette. Mais, surtout, ces fonds actionnaires – qui occupent six des neuf sièges au conseil d’administration – craignent d’être écrasés au capital en cas de nouvelle restructuration, au profit, cette fois, des fonds qui ont injecté 500 millions d’euros de nouvelle dette dans Vivarte en 2014.

Pilotage erratique

Entre le « old money », emmené par Oaktree, et le « new money » des Anchorage ou Hayfin, l’ambiance s’est tendue. Les premiers laissent d’ailleurs entendre que M. Maquaire caressait l’idée de monter une reprise de Vivarte avec le soutien des seconds.

Une certitude, du fait des modalités associées aux divers instruments financiers qu’ils détiennent, tous ces fonds de dette n’ont pas les mêmes objectifs. « Schématiquement, les fonds actionnaires ont intérêt à vendre des actifs pour se rémunérer au plus vite, tandis que le “new money” a davantage intérêt à viser le redressement de l’entreprise », poursuit ce bon connaisseur de Vivarte.

D’où un pilotage erratique qui commence à embarrasser l’exécutif, à six mois de l’élection présidentielle, même si le sort des vendeuses du commerce suscite rarement autant d’émoi que celui des ouvriers d’Alstom ou de ArcelorMittal. « Nous suivons avec attention la situation du groupe et nous dialoguons régulièrement avec les dirigeants », indique une source proche du gouvernement.