Bruno Le Maire, Alain Juppé, Nathalie Kosciusko-Morizet, Nicolas Sarkozy, Jean-François Copé, Frédéric Poisson et François Fillon lors du premier débat de la primaire de la droite à Saint-Denis, jeudi 13 octobre. | Jean-Claude Coutausse/Frenchpolitics pour Le Monde

En politique comme en football, les espoirs ambitieux ont moins le droit que les autres de rater un match observé par plusieurs millions de téléspectateurs. Malgré des heures d’entraînement face à ses conseillers, Bruno Le Maire est passé à côté du premier débat organisé dans le cadre de la primaire de la droite. Le député de l’Eure n’a « pas réussi à mettre [ses] tripes sur la table », selon ses propres mots.

Pour préparer le deuxième débat retransmis jeudi 3 novembre soir sur BFM-TV et i-Télé, l’ancien ministre de l’agriculture a changé de méthode. Cette fois-ci, moins de bachotage. Pas de répétition de la joute avec de faux pupitres. Juste quelques réunions pour caler les « éléments de langage ». « Le premier débat a servi d’électrochoc. Il faut maintenant mettre du cœur et du corps pour incarner le renouveau, apparaître plus naturel, plus authentique », analyse Damien Abad, porte-parole du candidat.

Idées simplistes

Cette émission n’est en fait que la partie émergée de l’iceberg. La dynamique Le Maire s’est enrayée depuis le mois de septembre. Après un printemps radieux où il a été porté par son annonce de candidature, l’outsider avait prévu un agenda de rentrée millimétré : dépasser les 20 % dans les intentions de vote et convaincre l’électorat qu’il n’est pas seulement un futur faiseur de roi mais un vainqueur potentiel.

Malgré le travail effectué pour soigner sa crédibilité avec la rédaction d’un projet de plus de mille pages, les sondages le relèguent maintenant derrière François Fillon autour de 10 %.

Ses adversaires, souvent irrités par sa propension à surfer sur l’actualité et la colère avec des idées comme la suppression de l’Ecole nationale d’administration (ENA) ou la privatisation de Pôle emploi, observent ses difficultés avec beaucoup d’intérêt et un peu de délectation.

« Son capital, c’est l’écrivain-diplomate, sérieux, qui a le sens de l’Etat. Basculer dans la démagogie l’a tué. Quand on se travestit, ça ne marche pas », estime un proche d’Alain Juppé, rejoint par un membre de la garde rapprochée de Nicolas Sarkozy : « Dans cette fin de campagne, le respect d’une partie de l’électorat de droite pour le vernis institutionnel profite à Nicolas Sarkozy, Alain Juppé et François Fillon, qui ont exercé les plus hautes fonctions. Le discours de Bruno Le Maire atteint ses limites. »

Trou d’air

Avec le « renouveau », un concept plébiscité par les Français dans les sondages, le député de l’Eure pensait avoir trouvé le bon créneau. Depuis sa candidature à la présidence de l’UMP en novembre 2014, il n’a cessé d’arpenter la France en promettant de « torpiller l’ancien régime et les technocrates ».

Et s’il avait surestimé le désir de changement d’une droite plus frileuse qu’espéré ? « Nous sommes dans un pays inquiet, qui voit bien qu’il y a des bouleversements importants, des menaces sur sa sécurité, chaque Français se pose beaucoup de questions et se demande : est-ce que ce n’est pas plus sage de continuer avec les mêmes ? Au moins on sait ce qu’on a, même si ce n’est pas formidable », a-t-il admis, lundi 31 octobre, sur Europe 1.

Comme pour tous les candidats en difficulté, son entourage explique que les sondeurs se trompent. Lui cite la primaire des Verts en appelant les observateurs à « beaucoup de modestie ». Et il intensifie ses critiques contre les deux favoris. « Décréter le bonheur général pour une nation qui souffre et qui doute ne fera que nous enfoncer davantage dans le malaise collectif », a-t-il écrit en référence au concept d’« identité heureuse » d’Alain Juppé dans une tribune publiée lundi dans Le Figaro. Un texte où il s’en prend aussi à Nicolas Sarkozy : « Exciter les passions ne nous mènera nulle part non plus. » Comme s’il misait sur le décrochage d’un des deux favoris pour traverser son propre trou d’air.