Delphine de Vigan, Prix Goncourt des lycéens, en décembre 2015. | DOMINIQUE FAGET/AFP

Jeudi 3 novembre, les choix florentins des jurés des prix Goncourt et Renaudot déclencheront immédiatement un effet de météorite pour les deux lauréats. L’impact de ces deux récompenses sur le tiroir-caisse des éditeurs, des libraires et des écrivains explique cet incroyable engouement automnal pour les prix littéraires.

Entre le Femina attribué cette année à Marcus Malte pour son roman Le Garçon (Zulma), le Grand Prix du roman de l’Académie française obtenu par Adélaïde de Clermont-Tonnerre pour Le Dernier des nôtres (Grasset), le Médicis qui a récompensé Laëtitia ou la fin des hommes (Seuil), d’Ivan Jablonka, une partie des ventes de fin d’année est déjà sur orbite. En attendant les prix Décembre, l’Interallié et le Goncourt des lycéens.

En moyenne, entre 2011 et 2015, les prix Goncourt se sont vendus (hors format poche) à 345 500 exemplaires, devant les Renaudot (251 500 exemplaires) et le Grand Prix de l’Académie française (231 000 exemplaires), selon une récente étude de Livres-Hebdo et GfK.

Depuis 2005, certains Goncourt ont atteint des sommets, comme Au revoir là-haut (Albin Michel), de Pierre Lemaitre, en 2013, dont les ventes cumulées (grand format et poche) ont franchi le cap des 850 000 exemplaires. Deux fois récompensé en 2006, le livre de Jonathan Littell Les Bienveillantes (Gallimard), a été acheté par 806 000 lecteurs, tandis que Trois Femmes puissantes (Gallimard), de Marie Ndiaye, le Goncourt de 2009, a été écoulé à 754 000 exemplaires.

« Effets durables »

Depuis cinq ans, les écrivains ont tout intérêt à viser le Goncourt des lycéens puisqu’il représente le nirvana des ventes, avec 395 000 exemplaires en moyenne. Un résultat un peu biaisé puisque, en 2014 et en 2015, les jurys avaient élu deux romans déjà primés par le Renaudot : Charlotte (Gallimard), de David Foenkinos, et D’après une histoire vraie (Jean-Claude Lattès), de Delphine de Vigan.

En moyenne, le Femina, l’Interallié et le Médicis dopent les ventes à hauteur respectivement de 80 000 exemplaires, 62 500 exemplaires et 40 500 exemplaires.

Cette tradition franco-française des prix s’avère « décisive pour la tonicité du marché du livre, surtout les dernières semaines de l’année, où les romans recouverts d’un bandeau rouge deviennent des cadeaux prisés pour les fêtes », précise Sébastien Rouault, directeur du panel livre chez GfK. Sans compter « l’effet durable » des prix, puisque les ventes en poche poursuivent souvent la vie de ces ouvrages, ajoute-t-il.

« Un réel jackpot »

Le délégué général du Syndicat de la librairie française, Guillaume Husson, l’assure :

« Les prix font incontestablement vendre. C’est un réel jackpot. Les livres primés sont toujours plus médiatisés et mieux exposés en librairie. Demain, tous les libraires auront une pile de Goncourt sur table. »

Cette manne revient historiquement à « Galligrasseuil » (le mot-valise qui désigne Gallimard, Grasset et le Seuil), les trois maisons qui, depuis l’existence des quatre plus gros prix (Goncourt, Renaudot, Femina et Médicis), en avaient trusté l’an dernier près de la moitié : 94 pour Gallimard, 58 pour Grasset et 39 pour Le Seuil, tandis que tous les autres se partageaient les 78 restants.

Pour une petite maison, un prix équivaut souvent à une salvatrice bouffée d’oxygène. « Bain de Lune, de Yanick Lahens, le prix Femina en 2014, s’est traduit par un coefficient 10 des ventes, affirme l’éditrice Sabine Wespieser. Obtenir un prix, c’est faire une sacrée culbute. Les ventes stagnaient à 5 000 exemplaires, on est aujourd’hui à 50 000. » Si cette récompense a aidé sa PME, elle a aussi, selon Mme Wespieser, « attiré la lumière sur l’écrivain, lui permettant d’acquérir un statut différent à l’étranger et de multiplier les cessions de droits ».

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