Adrian Coman, citoyen ­roumain ayant épousé un Américain à Bruxelles, se bat pour la reconnaissance de son mariage en Roumanie. Ici, lors de son audition par la Cour constitutionnelle, le 27 octobre. | Vadim Ghirda/AP

La Roumanie doit-elle modifier sa législation pour reconnaître les mariages entre individus de même sexe ? Cette question inédite est portée devant la Cour constitutionnelle depuis juillet. Avant de se prononcer de façon définitive, ses juges ont convoqué le 27 octobre celui qui est à l’origine de ce cas de conscience. « À partir du moment où nous posons le pied en Roumanie, Clay et moi passons du statut d’époux à celui d’étrangers aux yeux de l’État roumain », engage Adrian Coman.

« Les préjudices contre les minorités ne peuvent pas constituer une norme. » L’avocate du couple

Ce Roumain a rencontré l’Américain Clay Hamilton en 2002. Huit ans plus tard, alors qu’Adrian Coman travaille au Parlement européen, le couple décide d’officialiser son union à Bruxelles. Mais il songe déjà à s’installer en Roumanie. Adrian Coman s’adresse alors à l’Inspection générale de l’immigration afin de faire valoir son mariage dans son pays d’origine. Ainsi, son époux n’aura pas à faire renouveler son titre de séjour tous les trois mois. Impossible. « Les mariages conclus à l’étranger entre des ressortissants roumains ou étrangers de même sexe ne sont pas reconnus en Roumanie », selon l’article 2 du code civil.

Pour le couple, ce refus est en contradiction avec la Constitution roumaine, garante « du droit à la vie privée et à la famille de tous les citoyens ». Sur le principe d’exception d’inconstitutionnalité, il s’est lancé dans une bataille juridique. « Au-delà de prendre une décision fondée sur le droit, je vous implore de faire un choix moral, a déclaré leur avocate. Les préjudices contre les minorités ne peuvent pas constituer une norme. »

Jurisprudence européenne

Le clan d’Adrian Coman mise sur la jurisprudence européenne pour gagner la partie. La Cour européenne des droits de l’homme a déjà sommé la Croatie et l’Italie d’adapter sa législation pour des cas similaires. Adrian Coman a prévenu qu’il ne renoncerait pas. Déjà en 2000, il avait lutté pour obtenir la dépénalisation des relations homosexuelles en Roumanie. La loi est entrée en vigueur en 2002. Désormais, il veut que les couples gays puissent s’épanouir et se marier en Roumanie au lieu de choisir la voie de l’exil.

« Lors de notre mariage, nous nous sommes promis de veiller l’un sur l’autre pour le reste de notre vie, comme tous les autres couples mariés. Nos valeurs ne sont pas différentes de celles des autres citoyens roumains », a argumenté l’homme de 44 ans. Les juges de la Cour constitutionnelle ont remis leur décision au 29 novembre, le temps de consulter la Cour de justice de l’Union européenne sur la définition « d’époux ».

Le point de vue d’Adrian Coman sur la légitimité de sa nouvelle famille ne trouve pas d’écho au sein d’une société fortement imprégnée de références religieuses. 85 % des Roumains se réclament de l’Église orthodoxe.

Résistance des religieux

Le dimanche précédant l’audience du couple devant la Cour constitutionnelle, près de 8 000 personnes se sont rassemblées à Oradea, dans l’ouest du pays. À la tribune, popes orthodoxes, prêtres catholiques et pasteurs néoprotestants ont rappelé la primauté de la famille dite « traditionnelle » en Roumanie.

Les membres de la Coalition pour la famille, formée par 26 associations, avaient appelé à se retrouver dans toutes les grandes villes, mais l’appel à la tolérance du président, qui appartient au Parti national libéral (droite), « pour ne pas tomber dans le fanatisme religieux », a quelque peu freiné leurs ardeurs.

« On n’empêche pas les homosexuels de vivre ensemble, mais leur mariage n’est pas possible. » Cornel Barbut, président d’une association de familles catholiques

Les opposants au mariage homosexuel ont cependant déjà lancé une pétition et récolté 3 millions de signatures en vue d’un référendum visant à modifier la Constitution. Pour eux, ce texte ne doit plus garantir qu’un mariage se contracte entre deux « époux » mais entre « un homme et une femme ».

« On n’empêche pas les homosexuels de vivre ensemble, mais leur mariage n’est pas possible. Nous nous fondons sur des faits anthropologiques et divins », défend Cornel Barbut, président de l’Association des familles catholiques Vladimir-Ghika. Les membres de la coalition espèrent que le référendum aura lieu le même jour que les élections législatives, le 11 décembre.

Par Aline Fontaine