Jean-Charles Decaux,  codirecteur général du groupe JCDecaux. | ERIC PIERMONT / AFP

Même les plus belles affiches se décollent parfois. C’est ce qui arrive à JCDecaux, le leader mondial de l’affichage. Il y a six mois à peine, le champion français faisait rêver avec une croissance record, des marges solides, et son action touchait des sommets. Vendredi 4 novembre, le titre a au contraire chuté de 7 %, amplifiant la baisse commencée en mai. Six petits mois ont suffi à faire fondre sa valeur boursière de 3 milliards d’euros, soit 37 %. Le roi du mobilier urbain, une des plus belles réussites tricolores, est-il en danger ?

Depuis quelques mois, le groupe fondé par Jean-Claude Decaux avait bien prévenu que le ralentissement économique mondial allait finir par le toucher. Les chiffres trimestriels publiés jeudi ont néanmoins fait l’effet d’une douche froide.

La progression des revenus, déjà ramenée de 10,5 % en début d’année à 3,4 % au printemps, s’est limitée à 1,5 % au troisième trimestre, en grande partie à cause du fléchissement de l’économie en Chine, l’un des grands pays de JCDecaux. Pire : au quatrième trimestre, le chiffre d’affaires devrait reculer de 2 % à périmètre et taux de change constants. Sacré coup de frein. Et encore, le Brexit n’a pas produit ses effets redoutés sur la croissance au Royaume-Uni !

Une gestion solide et prudente

Conséquence directe : les profits vont souffrir. Or les marges étaient déjà sous pression à cause de l’intégration d’un concurrent déficitaire, l’espagnol Cemusa, et du retard pris dans la transformation du grand réseau d’abribus exploité par JCDecaux à Londres. La direction a beau prévoir des mesures de « contrôle strict des coûts » pour limiter la casse, la rentabilité va baisser. D’autant que le groupe a des frais fixes importants : que les annonceurs se battent ou non pour placer leurs publicités, il faut payer le personnel, respecter les engagements pris vis-à-vis des villes et des aéroports, etc.

« Cet avertissement nous rappelle que JCDecaux est une société très dépendante de la conjoncture », commente l’analyste Charles Bedouelle, d’Exane BNP Paribas. Cela n’enlève rien à ce qui fait sa force. Ses positions de premier plan au niveau mondial, bien sûr. Mais aussi une gestion solide et prudente, comme souvent avec les entreprises familiales. Les fils Decaux aux manettes font attention à leur argent, et le groupe est un des moins endettés de la profession.

Surtout, au-delà des aléas conjoncturels, JCDecaux reste porté par l’essor de son marché. L’affichage ne connaît certes pas la folle expansion de la publicité sur Internet. Mais c’est un vecteur autrement plus dynamique que la télévision, la radio ou la presse. L’urbanisation du monde, le développement du trafic aérien, la transformation des vieux placards en panneaux numériques jouent en sa faveur. Le fondateur Jean-Claude Decaux a beau être mort en mai, le modèle Decaux, lui, paraît toujours vaillant.