Lors de la campagne libyenne, l’armée de l’air avait largué 1 400 bombes et missiles (photo d’illustration). | STEPHANE DE SAKUTIN/AFP

La campagne aérienne menée par la France en Irak et en Syrie depuis septembre 2014 vient de dépasser en volume celle de l’opération « Harmattan » menée durant huit mois en 2011 en Libye. Pour la seule armée de l’air, qui engage douze avions de chasse sur ce front, « ce sont plus de 1 600 bombes et missiles qui ont été tirés jour et nuit depuis deux ans », a indiqué le 12 octobre son chef d’état-major, le général André Lanata, d’après un compte rendu de la commission défense de l’Assemblée nationale dont le contenu vient d’être rendu public. Pour le général, « il s’agit d’un rythme et d’une intensité de frappes inédits ».

Lors de la campagne libyenne, l’armée de l’air avait largué 1 400 bombes et missiles. Contre les troupes de Mouammar Kadhafi, s’y étaient ajoutés 3 000 obus lancés par la marine et 450 missiles antichar tirés par les hélicoptères de l’armée de terre.

Face à l’organisation Etat islamique (EI), le cap des 2 000 munitions air-sol françaises a été franchi fin septembre, avait noté le blog spécialisé dans la défense « Le Mamouth ». Le nombre atteint 2 050 fin octobre. Le porte-avions Charles-de-Gaulle, envoyé trois fois par le président Hollande, a délivré 20 % des munitions à ce jour, concentrant son effort sur les missions de reconnaissance et de renseignement.

Contrairement à la Libye, où elle a mené la guerre, la France occupe une place qualifiée d’« équipier » dans la coalition militaire dirigée par les Etats-Unis en Irak-Syrie. Les Britanniques de la Royal Air Force ont franchi le seuil des 2 000 bombes larguées fin août, tandis que les Etats-Unis ont dépassé les 20 000 dès le mois de mars.

« Urgences opérations »

Pour autant, l’engagement français est très soutenu compte tenu des moyens disponibles. Auditionné le 12 octobre à l’Assemblée nationale, le général Lanata a précisé que l’effort s’était concentré sur les six avions déployés en Jordanie : « Pour le seul détachement de Mirage 2000, ce sont plus de 10 000 heures de vol et plus de 1 000 munitions délivrées. » Les missions aériennes françaises ont été, pour 80 %, des frappes d’appui aux troupes locales engagées au sol contre l’EI autour de Mossoul, en Irak.

Ces chiffres posent une question, celle de la capacité à durer de l’armée française. Au cours de l’été, les Mirage 2000 de Jordanie ont été remplacés par des Rafale. Ils permettent autant « d’augmenter la puissance de feu » que de « faire souffler les machines et les équipages, dit le chef de l’armée de l’air. Nous étions en train d’épuiser la flotte. »

Le sujet des munitions est, lui aussi, sensible, révèlent les auditions parlementaires des responsables de la défense sur le budget 2017. Non que l’armée manque en général de bombes – l’état-major gère un stock, dont le volume, classifié, est approuvé par l’exécutif, jugé suffisant à la défense du pays. Mais les tensions sont fortes pour les opérations extérieures.

Les munitions coûtent cher – autour de 50 000 euros pour une bombe classique GBU américaine, 200 000 euros pour un missile multicible AASM sur Rafale, 600 000 euros pour un missile de croisière Scalp. Et les commandes sont toujours prises au plus juste besoin. Fin 2015, le ministère a lancé un achat de GBU qu’il n’avait prévu qu’en fin d’année 2016. « Plusieurs urgences opérations ont été lancées en 2016 pour un montant de 49 millions d’euros dont des corps de bombes de 250 kg », a confirmé le délégué général pour l’armement devant les députés. Le stock d’AASM, environ un millier d’armes, a été bien entamé en Libye et demeure en cours de reconstitution. Quant aux missiles Scalp, 70 ont été tirés à ce jour en Irak-Syrie, sur un stock de 450.

L’armée de terre a les mêmes préoccupations. « Ce sujet des munitions est véritablement sensible. L’effort financier qui s’élève à 200 millions d’euros par an devra être amplifié dans le futur », déclare le général Jean-Pierre Bosser. Le chef d’état-major appelle à la « densification de certains stocks critiques », en référence aux armes du Lance-roquettes unitaire, un nouvel équipement encore peu déployé faute de stock, et aux missiles Hellfire des hélicoptères Tigre, objets eux aussi d’une commande en urgence au printemps. Les canons Caesar, déployés près de Mossoul, ont lancé plus d’un millier de munitions en un mois et demi.