Les coprésidents et trois députés du principal parti prokurde, le Parti démocratique des peuples (HDP), ont été placés en détention préventive, vendredi 4 novembre, par le tribunal de Diyarbakir (sud-est de la Turquie). Les cinq élus avaient été arrêtés dans la nuit de jeudi à vendredi dans le cadre d’une enquête « antiterroriste » liée au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

Aussitôt après ces arrestations, le HDP a dénoncé la « fin de la démocratie » en Turquie. « La nuit dernière, la purge menée par le président Recep Tayyip Erdogan contre notre parti a atteint de nouveaux sommets avec l’arrestation de nos coprésidents, Selahattin Demirtas et Figen Yüksekdag », a écrit dans un communiqué la direction du HDP.

L’accès aux réseaux sociaux et à des applications de messagerie a par ailleurs été fortement perturbé vendredi, quelques heures après ces arrestations. La plate-forme de surveillance TurkeyBlocks a indiqué avoir « détecté des restrictions d’accès à plusieurs réseaux sociaux dont Facebook, Twitter et YouTube à partir de vendredi à 1 h 20 ».

Convocation des ambassadeurs de l’UE

M. Demirtas et Mme Yüksekdag, également députés, ont été placés en garde à vue dans le cadre d’une enquête instruite par le parquet de Diyarbakir portant sur des liens présumés avec le PKK, selon l’agence de presse progouvernementale Anatolie.

Le président Recep Tayyip Erdogan considère que le HDP est étroitement lié au PKK et il a fait savoir qu’il ne le considérait plus comme un interlocuteur légitime, qualifiant régulièrement ses membres de « terroristes ». En réponse à ces arrestations, l’un des chefs militaires du PKK, Murat Karayilan, a promis, vendredi, une intensification de la lutte armée contre les autorités turques.

Sur son compte Twitter, le HDP a appelé « la communauté internationale à réagir à ce coup du régime d’Erdogan ». Federica Mogherini, la haute représentante de l’Union européenne (UE) pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a fait part sur le même réseau social de son inquiétude à l’annonce de ces arrestations.

Elle a également fait état de la « convocation d’une réunion des ambassadeurs de l’UE à Ankara », sans donner plus de précisions à ce stade.

Le ministère allemand des affaires étrangères a convoqué le chargé d’affaires turc à Berlin en raison « des derniers développements en Turquie ». Les Etats-Unis se sont dits « profondément troublés » par la détention des responsables du HDP. « Quand des démocraties s’en prennent à des responsables élus, elles ont le devoir de justifier leurs actions et de préserver la confiance dans le système judiciaire », a déclaré Tom Malinowski, chargé des droits humains au département d’Etat américain. A Paris, le porte-parole du ministère des affaires étrangères, Romain Nadal, a déclaré que l’arrestation des élus du HDP « soulève une vive préoccupation ».

L’EI revendique l’attentat à Diyarbakir

Ces détentions, qui sont sans précédent concernant la troisième force politique du pays, s’inscrivent dans un contexte de purges tous azimuts des opposants, à la faveur de l’état d’urgence instauré après la tentative manquée de renversement du président Recep Tayyip Erdogan, dans la nuit du 15 au 16 juillet, imputée aux réseaux du prédicateur Fethullah Gülen.

Quelques heures après l’annonce de ces arrestations, une explosion a retenti devant un bâtiment de la police à Diyarbakir faisant neuf morts, dont deux policiers et plus de cent blessés. Le premier ministre turc, Binali Yildirim, a accusé très rapidement le PKK, qui, selon lui, a « montré à nouveau son visage perfide. (…) Ils ont fait exploser un véhicule rempli d’explosifs ».

Mais vendredi, l’agence Amaq, organe de propagande de l’organisation Etat islamique (EI), a affirmé sur la messagerie cryptée Telegram que le mouvement djihadiste était responsable de cet attentat à la voiture piégée. Le leader du groupe EI, Abou Bakr Al-Baghdadi avait appelé, jeudi, ses soldats à attaquer la Turquie pour se venger d’Ankara, impliquée dans la lutte contre les jihadistes en Irak et en Syrie.