Une image de synthèse diffusée par le cabinet d’architectes Moonarchitectures le 14 mars 2016 et représentant le projet de centre d’accueil près du bois de Boulogne à Paris.

Aussitôt tables, chaises, oreillers, couettes et tables à langer livrés, le centre d’hébergement d’urgence pour personnes sans abri, situé dans le 16e arrondissement, a ouvert ses portes. Sept familles, logées jusqu’à présent dans des hôtels de la capitale, y ont été accueillies mercredi 2 novembre dans des préfabriqués, installés en lisière du bois de Boulogne, le long de la très chic avenue du Maréchal-Maunoury.

L’ouverture officielle, prévue samedi en présence de la ministre du logement, Emmanuelle Cosse, de la maire de Paris, Anne Hidalgo, et de ses adjoints chargés du logement et des affaires sociales, vient clore des mois de conflit ouvert entre la Ville et les opposants au projet. Malgré les insultes, la méfiance et l’incendie criminel survenu dans la nuit du 16 octobre, deux cents personnes, dont la moitié compose des familles, y seront accueillies d’ici à la fin du mois de novembre. « Cinquante personnes isolées doivent arriver ces prochains jours », précise Eric Pliez, directeur de l’association Aurore, choisie pour gérer la structure.

Le centre, prévu pour être opérationnel pendant trois ans, accueillera un public aux profils variés. Une fois aiguillés par le service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO) de Paris, personnes isolées, travailleurs pauvres, familles et enfants pourront y séjourner en moyenne entre trois et six mois, et bénéficier d’un accompagnement médical, administratif, professionnel et social. « Nous sommes favorables à ce mélange, explique Eric Pliez. J’ai un peu d’expérience, et je peux vous dire qu’il est très positif pour des personnes isolées de côtoyer des enfants. »

Priorité aux familles « vulnérables »

Les familles et les personnes isolées seront toutefois hébergées dans des studios ou des chambres situées dans différents bâtiments. Surveillé vingt-quatre heures sur vingt-quatre, le centre sera ouvert la journée et fermé la nuit, mais chaque résident possédera sa clé. « Si on veut qu’ils se resociabilisent et qu’ils s’insèrent, c’est important qu’ils puissent vivre leur vie en toute liberté. Le gardien aura surtout le rôle de contrôler qui entre », dit l’association, échaudée par l’incendie. « D’expérience, finalement, les choses se passent bien même lorsqu’une structure ouvre dans un quartier huppé comme ce fut le cas dans le 8e arrondissement », dit Ian Brossat, adjoint de la Mairie de Paris chargé du logement.

Pour les sept premières familles arrivées mercredi, le SIAO a choisi en priorité les plus vulnérables. « Ce sont des familles dans lesquelles les parents ont, par exemple, du mal à assumer leur rôle parce qu’ils sont dépressifs ou parce qu’ils ont des problèmes de santé », explique le directeur.

La poignée d’enfants en âge d’être scolarisés seront « dispatchés » dans plusieurs écoles du quartier afin d’accroître, dans un arrondissement peu familier des différences sociales, leur « chance d’intégration », explique M. Pliez. D’ailleurs, à peine le centre ouvert, les demandes de bénévoles affluent. Malgré les réticences, des gens du quartier et trois paroisses ont déjà proposé des cours de soutien scolaire, des ateliers d’écriture et des activités culturelles et sportives.

25 % de travailleurs pauvres

Pour les travailleurs pauvres, qui représentent 25 % des personnes enregistrées au 115, l’accent sera mis sur le logement. « A Paris, lorsque vous déposez une demande de logement social à titre individuel, ça peut prendre dix ans et encore plus quand vous avez un tout petit salaire. Nous, on connaît les interlocuteurs et les places disponibles. Ça peut être très rapide », assure l’association.

Les autres résidents bénéficieront d’un suivi complet. Selon les profils, il leur faudra trouver une formation professionnelle, obtenir la couverture médicale universelle (CMU) ou, pour les sans-papiers, engager une procédure de régularisation. Un bilan de santé sera également fait, et un accompagnement psychologique est prévu pour les personnes qui le souhaitent. C’est seulement « une fois toutes les conditions réunies » qu’elles pourront se pencher sur la question du logement.

L’idée qui a présidé à l’ouverture de ce centre est d’offrir à chaque personne « un cadre protecteur » en faisant du « sur-mesure ». « Si on accueille un homme de 78 ans, on ne va pas lui demander de chercher un boulot », dit un membre de la structure, mais l’accompagner vers une structure d’hébergement appropriée, les maisons de retraite pour personnes sans domicile fixe étant quasi inexistantes.

Que faire si, au bout des six mois prévus, les conditions de sortie ne sont pas réunies ? « Six mois pour quelqu’un qui a passé plus de dix ans dans la rue, c’est court, reconnaît Eric Pliez. Un travail de reconstruction peut prendre bien plus de temps. » Dans certains cas, Aurore n’exclut pas d’orienter certains résidents vers des pensions de famille, des immeubles de quelques étages dans lesquels les occupants bénéficient d’un encadrement social.

L’association s’engage en tout cas à ne pas les relâcher dans la nature. « Cet accompagnement nécessite du temps et de l’argent [40 euros par jour et par personne financés par l’Etat], on ne va pas tout foutre en l’air et les fragiliser encore plus en leur trouvant un logement pour seulement quelques semaines avant qu’ils se retrouvent une nouvelle fois à la rue. »